Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Œuvres posthumes — Première Partie.

(Langue portugaise)

Chapitre 21.


LES ARISTOCRATES.

Aristocratie vient du grec aristos, le meilleur, et Kratos, puissance : l’aristocratie dans son acception littérale signifie donc : Puissance des meilleurs. On conviendra que le sens primitif a parfois singulièrement dévié ; mais voyons quelle influence le Spiritisme peut exercer sur son application. Pour cela, prenons les choses au point de départ et suivons-les à travers les âges pour en déduire ce qui arrivera plus tard.

Dans aucun temps, ni chez aucun peuple, les hommes en société n’ont pu se passer de chefs ; on en trouve chez les plus sauvages. Cela tient à ce que, en raison de la diversité des aptitudes et des caractères inhérents à l’espèce humaine, il y a partout des hommes incapables qu’il a fallu diriger, des faibles qu’il a fallu protéger, des passions qu’il a fallu comprimer ; de là, le besoin d’une autorité. On sait que dans les sociétés primitives, cette autorité fut déférée aux chefs de famille, aux anciens, aux vieillards, en un mot, aux patriarches ; ce fut la première de toutes les aristocraties.

Les sociétés devenant plus nombreuses, l’autorité patriarcale fut impuissante dans certaines circonstances. Les querelles entre peuplades voisines amenèrent des combats ; il fallut pour les diriger non des vieillards, mais des hommes forts, vigoureux et intelligents ; de là les chefs militaires. Ces chefs victorieux, on leur conféra l’autorité, espérant trouver dans leur valeur une garantie contre les attaques des ennemis ; beaucoup, abusant de leur position, s’en emparèrent eux-mêmes ; puis, les vainqueurs s’imposèrent aux vaincus, ou les réduisirent en servitude ; de là, l’autorité de la force brutale qui fut la seconde aristocratie.

Les forts, avec leurs biens, transmirent tout naturellement leur autorité à leurs enfants, et les faibles, comprimés, n’osant rien dire, s’habituèrent peu à peu à considérer ceux-ci comme les héritiers des droits conquis par leurs pères et comme leurs supérieurs ; de là la division de la société en deux classes : les supérieurs et les inférieurs, ceux qui commandent et ceux qui obéissent ; de là, par conséquent, l’aristocratie de la naissance, qui devint tout aussi puissante et tout aussi prépondérante que celle de la force, parce que si elle n’avait pas la force par elle-même, comme aux premiers temps où il fallait payer de sa personne, elle disposait d’une force mercenaire. Ayant tout pouvoir, elle se donna tout naturellement des privilèges.

Pour la conservation de ces privilèges, il fallait leur donner le prestige de la légalité, et elle fit les lois à son profit, ce qui lui était facile, puisque seule elle les faisait. Cela n’était pas toujours suffisant ; elle y donna le prestige du droit divin, pour les rendre respectables et inviolables. Pour assurer ce respect de la part de la classe soumise qui devenait de plus en plus nombreuse et plus difficile à contenir, même par la force, il n’y avait qu’un moyen, l’empêcher de voir clair, c’est-à-dire la maintenir dans l’ignorance.

Si la classe supérieure avait pu nourrir la classe inférieure sans rien faire, elle en aurait eu bon marché pendant longtemps encore ; mais comme celle-ci était obligée de travailler pour vivre, et de travailler d’autant plus qu’elle était plus pressurée, il en est résulté que la nécessité de trouver sans cesse de nouvelles ressources, de lutter contre une concurrence envahissante, de chercher de nouveaux débouchés pour les produits, a développé son intelligence, et qu’elle s’est éclairée par les causes mêmes dont on se servait pour l’assujettir. Ne voit-on pas là le doigt de la Providence ?

La classe soumise a donc vu clair ; elle a vu le peu de consistance du prestige qu’on lui opposait, et se sentant forte par le nombre, elle a aboli les privilèges et proclamé l’égalité devant la loi. Ce principe a marqué chez certains peuples la fin du règne de l’aristocratie de naissance, qui n’est plus que nominale et honorifique, puisqu’elle ne confère plus de droits légaux.

Alors s’est élevée une nouvelle puissance, celle de l’argent, parce qu’avec de l’argent on dispose des hommes et des choses. C’était un soleil levant devant lequel on s’est incliné, comme jadis on s’inclinait devant un blason, et plus bas encore. Ce qu’on n’accordait plus au titre, on l’accordait à la fortune, et la fortune a eu ses privilèges légaux. Mais alors on s’est aperçu que, si pour faire fortune il faut une certaine dose d’intelligence, il n’en fallait pas tant pour en hériter, et que les enfants sont souvent plus habiles à la manger qu’à la gagner, que les moyens mêmes de s’enrichir ne sont pas toujours irréprochables ; il en résulte que l’argent perd peu à peu son prestige moral et qu’à cette puissance tend à se substituer une autre puissance, une autre aristocratie plus juste : celle de l’intelligence devant laquelle chacun peut s’incliner sans s’avilir, parce qu’elle appartient au pauvre comme au riche.

Sera-ce la dernière ? Est-elle la plus haute expression de l’humanité civilisée ? Non.

L’intelligence n’est pas toujours un gage de moralité, et l’homme le plus intelligent peut faire un très mauvais emploi de ses facultés. D’un autre côté, la moralité seule peut souvent être incapable. L’union de ces deux facultés, intelligence et moralité, est donc nécessaire pour créer une prépondérance légitime, et à laquelle la masse se soumettra aveuglément, parce qu’elle lui inspirera toute confiance par ses lumières et par sa justice. Ce sera la dernière aristocratie, celle qui sera la conséquence, ou plutôt le signal de l’avènement du règne du bien sur la terre. Elle arrivera tout naturellement par la force des choses ; lorsque les hommes de cette catégorie seront assez nombreux pour former une majorité imposante, c’est à eux que la masse confiera ses intérêts.

Comme nous l’avons vu, toutes les aristocraties ont eu leur raison d’être ; elles sont nées de l’état de l’humanité ; il en sera de même de celle qui deviendra un besoin ; toutes ont fait ou feront leur temps suivant les contrées, parce qu’aucune n’a eu pour base le principe moral ; ce principe seul peut constituer une suprématie durable, parce qu’elle sera animée des sentiments de justice et de charité ; suprématie que nous appellerons : aristocratie intellecto-morale.

Un tel état de choses est-il possible avec l’égoïsme, l’orgueil, la cupidité qui règnent en maîtres sur la terre ? A cela nous répondrons carrément : oui, non seulement il est possible, mais il arrivera, car il est inévitable.

Aujourd’hui l’intelligence domine ; elle est souveraine, personne ne saurait le contester ; et cela est si vrai que vous voyez l’homme du peuple arriver aux premiers emplois. Cette aristocratie n’est-elle pas plus juste, plus logique, plus rationnelle que celle de la force brutale de la naissance ou de l’argent ? Pourquoi donc serait-il impossible d’y joindre la moralité ? — Parce que, disent les pessimistes, le mal domine sur la terre. — Est-il dit que le bien ne l’emportera jamais ? Les mœurs, et par suite les institutions sociales, ne valent-elles pas cent fois mieux aujourd’hui qu’au moyen âge ? Chaque siècle n’a-t-il pas été marqué par un progrès ? Pourquoi donc l’humanité s’arrêterait-elle quand elle a encore tant à faire ? Les hommes, par un instinct naturel, cherchent leur bien-être ; s’ils ne le trouvent pas complet dans le règne de l’intelligence, ils le chercheront ailleurs ; et où pourront-ils le trouver, si ce n’est dans le règne de la moralité ? Pour cela, il faut que la moralité l’emporte numériquement. Il y a fort à faire, c’est incontestable, mais, encore une fois, il y aurait sotte présomption à dire que l’humanité est arrivée à son apogée, quand on la voit marcher sans cesse dans la voie du progrès.

Disons d’abord que les bons, sur la terre, ne sont pas tout à fait aussi rares qu’on le croit ; les mauvais sont nombreux, cela est malheureusement vrai : mais ce qui les fait paraître encore plus nombreux, c’est qu’ils ont plus d’audace et qu’ils sentent que cette audace même leur est nécessaire pour réussir ; et pourtant ils comprennent tellement la prépondérance du bien que, ne pouvant le pratiquer, ils en prennent le masque.

Les bons, au contraire, ne font pas parade de leurs bonnes qualités ; ils ne se mettent pas en évidence et voilà pourquoi ils paraissent si peu nombreux ; mais sondez les actes intimes accomplis sans ostentation, et, dans tous les rangs de la société, vous trouverez encore assez de bonnes et loyales natures pour vous rasséréner le cœur et ne pas désespérer de l’humanité. Et puis, il faut le dire aussi, parmi les mauvais il y en a beaucoup qui ne le sont que par entraînement, et qui deviendraient bons s’ils étaient soumis à une bonne influence. Nous posons en fait que, sur 100 individus, il y a 25 bons et 75 mauvais ; sur ces derniers, il y en a 50 qui le sont par faiblesse et qui seraient bons s’ils avaient de bons exemples sous les yeux, et si surtout ils avaient eu une bonne direction dès l’enfance ; et que sur les 25 franchement mauvais, tous ne sont pas incorrigibles.

Dans l’état actuel des choses, les mauvais sont en majorité et ils font la loi aux bons ; supposons qu’une circonstance amène la conversion des 50 moyens, les bons seront en majorité et feront la loi à leur tour ; sur les 25 autres franchement mauvais, plusieurs subiront l’influence, et il ne restera que quelques incorrigibles sans prépondérance.

Prenons un exemple pour comparaison : Il y a des peuples chez lesquels le meurtre et le vol sont l’état normal : le bien y fait exception. Chez les peuples les plus avancés et les mieux gouvernés de l’Europe, le crime est l’exception ; traqué par les lois, il est sans influence sur la société. Ce qui y domine encore, ce sont les vices de caractère : l’orgueil, l’égoïsme, la cupidité et leur cortège.

Pourquoi donc, ces peuples progressant, les vices n’y deviendraient-ils pas l’exception, comme le sont aujourd’hui les crimes, tandis que les peuples inférieurs atteindraient votre niveau ? Nier la possibilité de cette marche ascendante serait nier le progrès.

Assurément, un tel état de choses ne peut être l’œuvre d’un jour, mais s’il est une cause qui doive en hâter l’avènement, c’est sans aucun doute le Spiritisme. Agent par excellence de la solidarité humaine, montrant les épreuves de la vie actuelle comme la conséquence logique et rationnelle des actes accomplis dans les existences antérieures, faisant de chaque homme l’artisan volontaire de son propre bonheur, de sa vulgarisation universelle résultera nécessairement une élévation sensible du niveau moral actuel.

Les principes généraux de notre philosophie sont à peine élaborés et coordonnés, et déjà ils ont réuni, dans une imposante communion de pensées, des millions d’adhérents disséminés sur toute la terre. Les progrès accomplis sous leur influence, les transformations individuelles et locales qu’ils ont provoquées en moins de quinze ans, nous permettent d’apprécier les immenses modifications fondamentales qu’ils sont appelés à déterminer dans l’avenir.

Mais si, grâce au développement et à l’acceptation générale des enseignements des Esprits, le niveau moral de l’humanité tend constamment à s’élever, on s’abuserait étrangement en supposant que la moralité deviendra prépondérante par rapport à l’intelligence. Le Spiritisme, en effet, ne demande pas à être accepté aveuglément. Il fait appel à la discussion et à la lumière.

« Au lieu de la foi aveugle qui annihile la liberté de penser il dit :  ( † ) Il n y a de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face à tous les âges de l’humanité. A la foi, il faut une base, et cette base c’est l’intelligence parfaite de ce qu’on doit croire ; pour croire, il ne suffit pas de voir, il faut surtout comprendre. » (Évangile selon le Spiritisme.) C’est donc à bon droit que nous pouvons considérer le Spiritisme comme l’un des plus puissants précurseurs de l’aristocratie de l’avenir, c’est-à-dire de l’aristocratie intellecto-morale.


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