Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XII — Décembre 1869.

(Langue portugaise)

LA VIE ÉTERNELLE.

I.


LA TERRE DANS L’INFINI ET DANS L’ÉTERNITÉ.

(Camille Flammarion.)

Toutes les religions qui se sont succédé dans l’histoire de l’humanité, depuis la théogonie des Aryens, qui paraît dater de quinze mille ans et nous offre le type le plus ancien, jusqu’au babisme  †  de l’Asie, qui ne date que de ce siècle et compte cependant déjà bien des sectaires ; depuis les théologies les plus vastes et les mieux affermies, qui, comme le bouddhisme en Asie, le christianisme en Europe et l’islamisme en Afrique, ont dominé sur d’immenses contrées et sur de longs siècles, jusqu’aux systèmes isolés et mort-nés qui, comme l’église française de l’abbé Chatel, n ou la religion fusionienne de Toureil,  n ou le temple positiviste d’Auguste Comte, n’ont vécu que l’espace d’un matin ; – toutes les religions, dis-je, ont eu pour but et pour fin la connaissance de la vie éternelle.

Aucune cependant n’a pu nous dire jusqu’à présent, ce que c’est que la vie éternelle ; aucune même n’a pu nous apprendre ce que c’est que la vie actuelle, en quoi elle diffère ou en quoi elle se rattache à la vie éternelle ; ce que c’est que la Terre où nous vivons ; ce que c’est que le ciel vers lequel tous les regards anxieux s’élèvent pour lui demander le secret du grand problème.

L’impuissance de toutes les religions anciennes et modernes, à nous expliquer le système du monde moral, a été cause que la philosophie, découragée par leur silence ou leurs fictions, est arrivée à former dans son sein, une école de sceptiques qui, non-seulement doutèrent de l’existence du monde moral, mais poussèrent l’exagération jusqu’à nier la présence de Dieu dans la nature et l’immortalité des âmes intellectuelles.

Notre philosophie spiritualiste des sciences, fondée sur la synthèse des sciences positives, et spécialement sur les conséquences métaphysiques de l’astronomie moderne, est plus solide que nulle des religions anciennes, plus belle que tous les systèmes philosophiques, plus féconde que nulle des doctrines, des croyances, ou des opinions émises jusqu’à ce jour par l’esprit humain. Née dans le silence de l’étude, notre doctrine grandit dans l’ombre et va se perfectionnant sans cesse par une interprétation de plus en plus développée de la connaissance de l’univers ; elle survivra aux systèmes théologiques et psychologiques du passé, parce que c’est la nature même que nous observons, sans préjugés, sans spéculation et sans crainte.

Lorsqu’au milieu d’une nuit profonde et silencieuse, notre âme solitaire s’élève vers ces mondes lointains qui brillent au-dessus de nos têtes, nous cherchons instinctivement à interpréter les rayons qui nous viennent des étoiles, car nous sentons que ces rayons sont comme autant de liens fluidiques, rattachant les astres entre eux dans le réseau d’une immense solidarité. Maintenant que les étoiles ne sont plus pour nous des clous d’or fixés à la voûte des cieux ; maintenant que nous savons que ces étoiles sont autant de soleils analogues au nôtre, centres de systèmes planétaires variés, et disséminés à de terrifiantes distances à travers l’infini des espaces ; maintenant que la nuit n’est plus pour nous un fait étendu à l’univers entier, mais simplement une ombre passagère située derrière le globe terrestre relativement au soleil, ombre qui s’étend à une certaine distance mais non pas jusqu’aux étoiles, et que nous traversons chaque jour pendant quelques heures par suite de la rotation diurne du globe ; – nous appliquons ces connaissances physiques à l’explication philosophique de notre situation dans l’univers, et nous constatons que nous habitons la surface d’une planète qui, loin d’être le centre et la base de la création, n’est qu’une île flottante du grand archipel, emportée, en même temps que des myriades d’autres analogues, par les forces directrices de l’univers, et qui n’a été marquée par le Créateur, d’aucun privilège spécial.

Nous sentir emportés dans l’espace est une condition utile à la compréhension exacte de notre place relative dans le monde ; mais physiquement nous n’avons ni ne pouvons avoir cette sensation, puisque nous sommes fixés à la Terre par son attraction et participons intégralement à tous ses mouvements. L’atmosphère, les nuages, tous les objets mobiles ou immobiles appartenant à la Terre, sont entraînés par elle, attachés à elle, et par conséquent relativement immobiles. Quelle que soit la hauteur à laquelle on s’élève dans l’atmosphère, on ne parviendrait jamais à se placer en dehors de l’attraction terrestre et à s’isoler de son mouvement pour le constater ; la lune elle-même, à 96,000 lieues d’ici, est entraînée dans l’espace par la translation de la Terre. Nous ne pouvons donc sentir le mouvement de notre planète que par la pensée. Nous serait-il possible de parvenir à cette sensation curieuse ? Essayons.

Songeons d’abord que le globe sur lequel nous sommes, vogue dans le vide en raison de 660,000 lieues par jour, ou 27,500 lieues à l’heure ! 30,550 mètres par seconde : c’est une vitesse plus de cinquante fois plus rapide que celle d’un boulet de canon (celle-ci étant de 550 mètres). Nous pouvons, non pas sans doute nous figurer exactement cette rapidité inouïe, mais nous en former une idée en nous représentant une ligne de 458 lieues de long, et en songeant que le globe terrestre la parcourt en une minute. Perpétuellement, sans arrêt, sans trêve, la terre vole ainsi. En nous supposant placés dans l’espace et l’attendant près de son chemin, pour la voir passer devant nous comme un train express, nous la verrions arriver de loin sous la forme d’une étoile brillante. Lorsqu’elle ne serait plus qu’à 6 ou 700,000 lieues de nous, c’est-à-dire vingt-quatre heures avant qu’elle nous arrive, elle paraîtrait plus grosse que nulle étoile connue, moins grosse que la Lune ne nous paraît : comme un gros bolide semblable à ceux qui traversent parfois le ciel. Quatre heures avant son arrivée, elle paraît près de quatorze fois plus volumineuse que la lune, et continuant de s’enfler démesurément, occupe bientôt un quart du ciel. Déjà nous distinguons à sa surface les continents et les mers, les pôles chargés de neige, les bandes de nuages des tropiques, l’Europe aux rivages déchiquetés? et peut-être distinguons-nous une petite place verdâtre qui n’est que la millième partie de la surface entière du globe, et qu’on appelle la France? Déjà nous avons remarqué son mouvement de rotation sur son axe? mais se gonflant, se gonflant toujours, le globe soudain se déploie comme une ombre gigantesque sur le ciel entier, met six minutes et demie à passer, ce qui peut-être nous permet d’entendre les cris des bêtes fauves des forêts équatoriales et le canon des peuples humains, puis s’éloignant avec majesté dans les profondeurs de l’espace, s’enfonce, en se rapetissant dans l’immensité béante, sans laisser d’autre trace de son passage qu’un étonnement mêlé de terreur dans notre regard foudroyé.

C’est sur ce colossal boulet céleste de 3,000 lieues de diamètre et d’un poids de 5,875 millions de millions de milliards de kilog., que nous sommes disséminés, petits êtres imperceptibles, emportés avec une énergie indescriptible par ses divers mouvements de translation, de rotation, de balancements, et par ses inclinaisons alternatives, à peu près comme les grains de poussière adhérents à un boulet de canon lancé dans l’espace. Connaître cette marche de la Terre et la sentir, c’est posséder l’une des premières et des plus importantes conditions du savoir cosmographique.  † 

Ainsi vole la Terre dans le ciel. La description de ce mouvement peut paraître purement du domaine de l’astronomie. Nous constaterons tout à l’heure que la philosophie religieuse est hautement intéressée à ces faits, et que la connaissance de l’univers physique donne en réalité les bases de la religion de l’avenir. Continuons l’examen scientifique de notre planète.

Les théologies, pas plus que nul édifice, ne peuvent être bâties sur le vide. Elles ont pris pour charpente, l’ancien système du monde qui supposait la Terre immobile au centre. L’astronomie moderne en démontrant la vanité de l’illusion antique, démontre la vanité des théologies fondées sur elle.

Cette planète est peuplée par un nombre considérable d’espèces vivantes, que l’on a classées en deux grandes divisions naturelles : le règne végétal et le règne animal. Chacun de ces êtres diffère des choses purement matérielles, des objets inanimés, en ce qu’il est formé d’une unité animique qui régit son organisme. Que l’on considère une plante, un animal ou un homme, on constate que ce qui constitue la vie est un principe spécial, doué de la faculté d’agir sur la matière, de former un être déterminé, un rosier, par exemple, un chêne, un lézard, un chien, un homme ; de fabriquer des organes, comme une feuille, un pistil, une étamine, une aile, un œil, – principe spécial dont le caractère distinctif est d’être personnel.

Pour nous en tenir à la race humaine, qui depuis plus de cent siècles a établi sur cette planète le règne de l’intelligence, nous remarquons qu’elle est actuellement composée de 1,200 millions d’individus vivant en moyenne 34 ans. En Europe la durée de la vie moyenne, qui a augmenté de 9 pour 100 depuis un siècle avec le progrès du bien-être, est aujourd’hui de 38 ans. Mais il y a encore sur la terre des races arriérées, moins éloignées de la barbarie primitive, misérables et faibles, dont la vie moyenne ne dépasse pas 28 ans. En chiffre rond, il meurt par an 32 millions d’individus humains, 80,000 par jour ou à peu près 1 par seconde. Il en naît 33 millions par an, ou un peu plus d’un par seconde. Chaque battement de nos cœurs, – vivants pendules à seconde, – marque à peu près la naissance et la mort d’un être sur la terre.

Tout en courant dans l’espace avec la rapidité que nous lui avons reconnue plus haut, la Terre voit donc sa population humaine se renouveler constamment avec une rapidité qui ne laisse pas non plus d’être fort étonnante. Seconde par seconde une âme s’incarne dans le monde corporel et une autre âme s’en échappe. Un sixième des enfants meurent dans la première année, un quart est mort avant l’âge de 4 ans, un tiers à l’âge de 14 ans, la moitié à l’âge de 42 ans. Quelle loi préside aux naissances ? quelle loi préside aux morts ? C’est un problème que la science, et la science seule, résoudra un jour.

Il est important, pour tout homme qui cherche la vérité, de voir les choses face à face, telles qu’elles sont, et d’acquérir ainsi des notions exactes sur l’arrangement de l’univers. Constatons d’abord les faits, purement et simplement, puis servons-nous de la réalité comme pour essayer de pénétrer les lois inconnues dont les faits physiques sont la réalisation.

Eh bien ! d’une part nous constatons que la Terre est un astre du ciel, au même titre que Jupiter  †  ou Sirius,  †  et quelle circule dans l’espace éternel par des mouvements qui nous donnent une mesure du temps : les années et les jours, – mesure du temps que ces mouvements créent eux-mêmes et qui n’existe pas dans l’espace éternel. D’autre part nous observons   que   les   êtres vivants, en particulier les   hommes, sont formés d’une âme organisatrice, qui est de principe immatériel, indépendante des conditions d’espace et de temps et des propriétés physiques qui caractérisent la matière, et que les existences humaines ne sont pas le but de la création, mais donnent plutôt l’idée de passages, de moyens. La vie sur la Terre n’est pas son but à elle-même. C’est ce qui ressort incontestablement de l’arrangement même de la vie et de la mort ici-bas.

D’ailleurs, la vie terrestre n’est ni un commencement ni une fin. Elle s’accomplit dans l’univers, en même temps qu’un grand nombre d’autres modes d’existence, après beaucoup d’autres qui ont eu lieu dans les mondes passés, et avant beaucoup d’autres qui s’effectueront dans les mondes à venir. La vie terrestre n’est pas opposée à une autre vie céleste, comme l’ont supposé des théologiens qui ne s’appuyaient pas sur la nature. La vie qui fleurit à la surface de notre planète est une vie céleste, aussi bien que celle qui rayonne sur Mercure  †  ou sur Vénus.  †  Nous sommes actuellement dans le ciel, aussi exactement que si nous habitions l’étoile polaire ou la nébuleuse d’Orion.  † 

Ainsi la Terre, suspendue dans l’espace sur le fil de l’attraction solidaire des mondes, emporte dans l’étendue, les générations humaines qui éclosent, brillent quelques années et s’éteignent à sa surface. Tout est en mouvement, et la circulation des êtres à travers le temps n’est pas moins certaine ni moins rapide que leur circulation à travers l’espace. Cet aspect de l’univers nous surprend, sans contredit, et nous paraît assurément difficile à bien définir. L’aspect apparent dont on s’est contenté pendant tant de siècles était beaucoup plus simple : la Terre, immobile, était la base du monde physique et spirituel. La race d’Adam était la seule race humaine de l’univers ; elle était placée ici pour y vivre lentement, y prier, y pleurer, jusqu’au jour où, la fin du monde étant décrétée, Dieu corporel, assisté des saints et des anges, descendrait de l’empyrée pour juger la Terre et aussitôt après transformer l’univers en deux grandes sections : le ciel et l’enfer. Ce système, plus théologique qu’astrologique était, je le répète, fort simple, et assis sur les traditions vénérées d’un enseignement quinze fois séculaire. Lors donc qu’en ce dix-neuvième siècle, je viens dire : « En vérité, nos anciennes croyances sont fondées sur des apparences mensongères, et nous devons maintenant ne reconnaître d’autre philosophie religieuse que celle qui dérive de la science, » on peut, évidemment, ne pas être prêt à accepter immédiatement l’immense transformation qui résulte de nos études modernes, et vouloir examiner sévèrement notre doctrine avant de s’en reconnaître disciple. Mais c’est précisément là ce que nous désirons tous ; la liberté de conscience doit précéder tout jugement dans les âmes, et toutes les opinions doivent être librement et successivement ordonnées suivant les indications de l’esprit et du cœur.

La terre est un astre habité, planant dans le ciel en compagnie des myriades d’autres astres, habités comme elle. Notre vie terrestre actuelle fait partie de la vie universelle et éternelle, et il en est de même de la vie actuelle des habitants des autres mondes. L’espace est peuplé de colonies humaines vivant en même temps, sur des globes éloignés les uns des autres, et reliées entre elles par des lois dont nous ne connaissons sans doute encore que les plus apparentes.

L’esquisse générale de notre foi n dans la vie éternelle se compose, donc des points suivants :

1º La Terre est un astre du ciel ;

2º Les autres astres sont habités comme elle ;

3º La vie de l’humanité terrestre est un département de la vie universelle ;

4º L’existence actuelle de chacun de nous est une phase de sa vie éternelle, – éternelle dans le passé comme dans l’avenir.

Cette simple esquisse générale de notre conception de la vie éternelle, quoique appuyée sur l’observation et le raisonnement, et indestructible dans ces quatre principes élémentaires, est encore loin cependant de ne permettre aucune objection ; un certain nombre de difficultés, au contraire, peuvent lui   être opposées,   et l’ont été déjà soit par les partisans des théologies anciennes, soit par les philosophes anti-spiritualistes.

Voici les principales difficultés :

Quelles preuves peut-on obtenir que notre existence actuelle soit une phase d’une prétendue vie éternelle ? Si l’âme survit au corps, comment peut-elle exister sans matière et privée des sens qui la mettaient en relation avec la nature ? – Si elle préexiste, de quelle façon s’est-elle incarnée dans notre corps, et en quel moment ? Qu’est-ce que c’est que l’âme ? en quoi cet être consiste-t- il ? occupe-t-il un lieu ? comment agit-il sur la matière ? – Si nous avons déjà vécu, pourquoi n’avons-nous généralement aucun souvenir ? – Comment la personnalité d’un être peut-elle exister sans la mémoire ? Nos souvenirs sont-ils dans notre cerveau ou dans notre âme ? – Si nous nous réincarnons successivement de monde en monde, quand cette transmigration finira-t- elle, et à quoi sert-elle ? etc., etc.

Au lieu d’éloigner les objections ou de paraître les dédaigner, notre devoir, à nous qui cherchons la vérité et qui ne croyons l’obtenir que par le travail, est de les provoquer, au contraire, et de nous contraindre par là à ne pas nous payer d’illusions et à ne pas nous imaginer que nos croyances sont déjà fondées et inattaquables. La science marche lentement et progressivement, et c’est en sondant la profondeur des problèmes et en attaquant les questions en face que nous appliquerons à ces études philosophiques, la sévérité et la rigueur nécessaires pour assurer à nos arguments la solidité qui leur convient. La révélation moderne ne descend pas de la bouche d’un Dieu incarné, mais des efforts de l’intelligence humaine vers la connaissance de la vérité.

Nous chercherons dans une prochaine étude à savoir quelle est la nature de l’âme, en appliquant à cet examen, non pas les syllogismes  †  de la logomachie  †  scolastique  †  par lesquels on a péroré  †  pendant quinze siècles sans aboutir à rien de sérieux, mais les procédés de la méthode scientifique expérimentale à laquelle notre siècle doit toute sa grandeur. Aujourd’hui, nous avons établi un premier aspect fort important du problème naturel (et non pas surnaturel) de la vie éternelle : c’est de savoir que notre vie actuelle s’accomplit dans le ciel, qu’elle fait partie de la série des existences célestes qui constituent la vie universelle, et que nous sommes actuellement dans le ciel de Dieu, et en présence de l’Esprit éternel, aussi complètement que si nous habitions un autre astre quelconque du grand archipel étoilé.

Que cette certitude physique inspire à nos âmes une sympathie plus directe, plus humaine, envers les mondes qui rayonnent dans la nuit, et que jusqu’ici nous regardions vaguement comme nous étant étrangers ! Ce sont là les résidences des humanités nos sœurs, les résidences les moins lointaines ! En regardant une étoile qui se lève à l’horizon, nous sommes dans la même situation qu’un observateur qui contemple de son balcon les arbres d’un lointain paysage, ou qui se penche sur le parapet du navire ou de l’aérostat pour examiner un vaisseau sur la mer ou un nuage dans l’atmosphère ; car la Terre est un navire céleste qui vogue dans l’espace, et nous regardons à côté d’elle, quand nos yeux se portent sur les autres mondes qui apparaissent et disparaissent suivant notre sillage. Oui, ces autres mondes sont autant de terres analogues à la nôtre, bercées dans l’étendue sous les rayons du même soleil, et toutes ces étoiles scintillantes sont des soleils autour desquels gravitent des planètes habitées. Sur ces mondes comme sur le nôtre, il y a des paysages silencieux et solitaires. A leur surface aussi sont disséminées des cités populeuses et actives. Là aussi il y a des couchants aux nuages enflammés et des levers de soleil aux magiques éblouissements. Là aussi il y a des mers aux profonds soupirs, des ruisseaux au doux murmure, de petites fleurs aux tendres corolles, baignant dans l’eau limpide leurs têtes parfumées. Là aussi il y a des bois ombreux sous lesquels réside l’inaltérable paix de la nature ; là aussi il y a des lacs au doux miroir qui semblent sourire aux cieux, et des montagnes formidables qui lèvent leur front sublime au-dessus des nuages chargés d’éclairs, et qui, du haut des airs tranquilles, regardent tout d’en haut. Mais en ces mondes variés, il y a de plus ces panoramas inénarrables, inconnus à la Terre, cette inimaginable variété de choses et d’êtres que la nature a développée à profusion dans son empire sans bornes. Qui nous révélera le spectacle de la création sur les anneaux de Saturne ? Qui nous révélera les métamorphoses merveilleuses du monde des comètes ? Qui nous développera les systèmes magiques des soleils multiples et colorés, donnant à leurs mondes les plus singulières variétés d’années, de saisons, de jours, de lumière et de chaleur ?   Qui   nous fera deviner surtout l’innombrable variété des formes vivantes que les forces de la nature ont construites sur les autres mondes, avec la diversité spéciale à chaque monde dans son volume, son poids, sa densité, sa constitution géologique et chimique, les propriétés physiques de ses diverses substances, en un mot, avec l’infinie variété dont la matière et les forces sont susceptibles ? Les métamorphoses de l’antique mythologie ne sont qu’un rêve, comparées aux œuvres universelles de la nature céleste.

Nous avons esquissé aujourd’hui la situation cosmographique de l’âme en son incarnation terrestre. Notre prochaine étude aura pour objet la nature même de l’âme, et résoudra par elle- même les objections résumées plus haut. C’est en étudiant séparément les différents points du grand problème, que nous pourrons parvenir à la solution attendue depuis tant de siècles.


CAMILLE FLAMMARION.



[1] [L’Église Catholique Française de Monseigneur Chatel.]


[2] [La France mystique, tableau des excentricités religieuses de ce temps – Google Books.]


[3] En me servant du mot foi, je ne veux pas lui conserver ici le sens théologique sous lequel il est encore employé aujourd’hui. Je parle ici de la foi scientifique, raisonnée, qui n’est que la conséquence légitime de l’étude philosophique de l’univers.


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