Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XI — Octobre 1868.

(Langue portugaise)

MÉDITATIONS.

PAR H. ZSCHOKKE. n
[Heinrich Zschokke.]
(Article envoyé de Saint-Pétersbourg.)  † 

1. — Parmi les livres de haute piété dont les auteurs, pénétrés des véritables idées chrétiennes, traitent toutes les questions religieuses et abstraites avec un zèle éclairé, exempt de préjugés et de fanatisme, un de ceux qui jouissent en Allemagne d’une très grande estime, méritée à tous égards, est, sans contredit, celui qui a pour titre Heures de piété (Stunden der Andacht - Google Books), par H. Zschokke, écrivain suisse distingué, auteur de beaucoup d’ouvrages littéraires, écrits en langue allemande et très appréciés en Allemagne ; ce livre a eu, depuis 1815, plus de quarante éditions. Les soi disant orthodoxes, même protestants, trouvent en général que ce livre est trop libéral dans ses idées, en matière de religion, et que l’auteur ne s’appuie pas assez sur les dogmes et les décisions des Conciles ; mais les croyants éclairés, ceux qui recherchent les consolations de la religion et désirent acquérir les lumières nécessaires pour en comprendre les vérités, après l’avoir lu et médité, rendront pleine justice aux lumières et à la piété touchante de l’auteur.

Nous donnons ici la traduction de deux méditations contenues dans ce livre remarquable, parce qu’elles renferment des idées tout à fait spirites, exposées avec une parfaite justesse, il y a de cela plus de cinquante ans.

Dans l’une et l’autre se trouvent une définition très exacte et admirablement élaborée du corps spirituel ou périsprit, des idées très saines et très lucides sur la résurrection, et la pluralité des existences, à travers lesquelles perce déjà le grand jour de la sublime doctrine de la réincarnation, cette pierre angulaire du Spiritisme moderne.


W. Foelkner.


141e MÉDITATION.


De la naissance et de la mort.

2. — La naissance et la mort sont toutes les deux entourées de ténèbres impénétrables. Personne ne sait d’où il est venu, quand Dieu l’a appelé ; personne ne sait où il ira, quand Dieu l’appellera. Qui pourrait me dire si je n’ai pas déjà existé, avant de prendre mon corps actuel ? Qu’est-ce que c’est que ce corps qui appartient si peu à mon moi, que, pendant une existence de cinquante ans, je l’aurai changé plusieurs fois comme un habit ? Je n’ai plus la même chair et le même sang que j’avais étant à la mamelle, dans les années de ma jeunesse et à l’âge de la maturité ; les parties de mon corps qui m’ont appartenues durant le premier âge, sont déjà, depuis longtemps, dissoutes et évaporées. L’Esprit seul reste le même pendant toutes les variations que subit son enveloppe terrestre.

Qu’avais-je besoin pour mon existence du corps que je possédais étant tout petit enfant ? Si j’ai existé avant lui, où étais-je ? Et quand je me serai débarrassé de mon habit actuel, où serai-je ? Personne ne me répond. je suis venu ici comme par miracle et c’est par miracle que je disparaîtrai. La naissance et la mort rappellent à l’homme cette vérité si souvent oubliée par lui, qu’il se trouve sous la puissance de Dieu.

Mais cette vérité est en même temps une consolation. La puissance de Dieu, c’est la puissance de la sagesse, le charme de l’amour. Si le commencement et la fin de ma vie sont enveloppés de ténèbres, je dois penser que ce doit être un bienfait pour moi, comme tout ce qui vient de Dieu est bienfait et grâce. Quand tout autour de moi proclame sa sagesse suprême et sa bonté infinie, puis-je croire que les ténèbres qui entourent le berceau et le cercueil sont seules des exceptions ? Peut-être ai-je déjà existé une fois, plusieurs fois même ? Qui connaît les mystères de la nature des Esprits ? n Ma présence sur la terre ne serait-elle pas peut-être une faible image de l’existence éternelle ? Ne vois-je pas déjà ici mon passage de l’éternité dans l’éternité, comme dans un miroir opaque ?

Oserais-je me bercer d’étranges pressentiments ? Cette vie serait-elle véritablement une image en miniature de l’existence éternelle ? Que serait-ce si, déjà, j’ai eu plusieurs existences, si chacune de mes existences est une heure de veille de l’enfance de mon Esprit, et chaque changement de son enveloppe, de ses relations ou ce qu’on appelle mort, un assoupissement, pour un réveil avec des forces nouvelles ? Il est vrai qu’il m’est impossible de savoir combien de fois et comment j’ai existé, avant que Dieu m’ait appelé à mon existence actuelle ; mais l’enfant à la mamelle en sait-il plus que moi de ses premières heures ? A-t-il donc tant perdu de ne pouvoir se rappeler son premier rire et ses premières larmes ? Quand il sera avancé en âge, il ne s’en souviendra pas davantage, bien certainement, mais il saura ce qu’il a été dans ses premières années ; il saura qu’il a souri, qu’il a pleuré, qu’il a veillé, dormi, rêvé, tout comme les autres. Si c’est possible ici-bas, pourquoi serait-il impossible qu’un jour, après un voyage plus élevé de mon Esprit immortel, celui-ci puisse se rappeler et analyser sa carrière parcourue, les circonstances différentes dans lesquelles il s’est trouvé pendant son voyage et dans les mondes qu’il a habités ? A quel degré d’âge suis-je placé maintenant ? Je ressemble encore à l’enfant qui oublie après une heure les évènements de l’heure précédente et n’est pas en état de garder le souvenir d’un rêve qui, l’ayant enlevé par le sommeil à la vie extérieure, l’a séparé de la veille précédente ; mais je ressemble à l’enfant qui, néanmoins, apprend déjà à reconnaître ses parents. Il oublie les plaisirs et les chagrins du moment écoulé ; mais, à chaque réveil, il reconnaît de nouveau leurs traits chéris. Il en est ainsi pour moi : je reconnais aussi mon Père, mon Dieu dans le Tout-Éternel. Je l’aurais cherché de mes regards, je l’aurais appelé, même quand personne ne m’aurait parlé de Lui ; car le souvenir du Père céleste est, dit-on, inné dans chaque homme. Tous les peuples gardent ce souvenir, même les plus sauvages dont les îles solitaires, baignées par l’Océan, ne furent jamais abordées par des voyageurs civilisés. Inné, dit-on ; on devrait peut-être dire hérité, transporté d’une vie antérieure, tout comme le petit enfant reporte d’un réveil antérieur dans un réveil postérieur, le souvenir de sa mère.

Mais je tombe dans les rêves ! Qui est en état de les approuver ou de les rejeter ? Ils ressemblent aux premiers souvenirs bien vagues et bien faibles qu’un enfant a de quelque chose qui lui semble avoir eu lieu dans ses moments de veille passés. Nos suppositions les plus audacieuses, lors même que nous les croyons vraies, ne sont que le reflet fugitif et confus de nos sentiments datant d’un passé oublié. Au reste, je ne me les reproche pas. Même en les supposant chimériques, elles relèvent mon Esprit, car en regardant notre vie terrestre comme une heure d’un enfant à la mamelle, quelle vaste et incommensurable perspective de l’éternité se déroule devant moi ! Quelle sera donc la jeunesse plus avancée, la pleine maturité de mon Esprit immortel, quand j’aurai bien des fois encore veillé, sommeillé et monté un plus grand nombre de degrés de l’échelle spirituelle ?

Le jour de la mort terrestre deviendra alors mon nouveau jour de naissance pour une vie plus élevée et plus parfaite, le commencement d’un sommeil qui sera suivi d’un réveil rafraîchissant. La grâce divine me sourira avec un amour plus grand que l’affection avec laquelle une mère terrestre sourit à son enfant réveillé du sommeil, au moment où il ouvre les yeux.


143e MEDITATION.


De la Transfiguration après la mort.

3. — Si j’ai droit de bourgeoisie dans deux mondes, si j’appartiens non-seulement à la vie terrestre, mais aussi à la vie spirituelle, il est bien pardonnable, je pense, de m’occuper parfois de ce qui m’attend dans cette dernière, vers laquelle m’attire sans cesse une vague ardeur… Je m’entretiens tout aussi volontiers, en souvenir, avec ceux qui m’ont été chers et que la mort m’a ravis, qu’avec ceux qui, dans ce monde, me comblent de joie par leur présence, car les premiers n’ont pas cessé d’exister, quoique privés d’un corps matériel. La destruction du corps n’amène pas la destruction de l’Esprit. Je continue à vous chérir, mes amis absents, mes chers défunts ! Puis-je craindre de ne plus être également l’objet de votre affection ? Non certes, aucun mortel n’a la puissance de séparer des Esprits réunis par Dieu, de même aucun tombeau n’a ce pouvoir.

Quoique le sort qui m’attend dans un autre monde me soit caché, il m’est permis, je pense, de méditer quelquefois sur ce sujet et de tâcher de deviner, par ce que je vois ici, ce qui pourrait m’arriver là-bas. S’il nous est refusé sur la terre de voir, nous devons tâcher d’entretenir en nous la foi qui vivifie tout. — Jésus-Christ a parlé souvent, en allégories élevées, de l’état de l’âme après la mort du corps, et ses disciples aimaient aussi à s’entretenir sur ce sujet avec leurs confidents, ainsi qu’avec ceux qui doutaient de la possibilité de la résurrection des morts.

La doctrine de la résurrection des corps a été une des plus anciennes de la religion juive. Les Pharisiens l’enseignaient, mais d’une manière grossière et matérielle, prétendant que tous les corps ensevelis dans les tombeaux, devaient nécessairement devenir un jour l’enveloppe et l’instrument des Esprits qui les avaient animés pendant la vie terrestre, — opinion qui fut pleinement réfutée par un autre parti religieux juif, les Saducéens. Le Christ, engagé un jour à prononcer entre ces deux opinions contraires, démontra que les deux partis religieux juifs étaient arrivés, à force d’aberrations, à des erreurs tout à fait opposées ; que l’immortalité de l’âme, c’est-à-dire la continuation de son existence dans l’autre monde, ou la résurrection des morts, pouvait avoir lieu et se produira infailliblement, sans devoir être une résurrection grossièrement matérielle des corps, pourvus de toutes les exigences et de tous les sens terrestres nécessaires à leur conservation et à leur reproduction. Les Saducéens reconnurent la vérité de ses paroles. « Maître, vous avez fort bien répondu ! » dirent-ils. (Luc ; chap. XX, v. de 27 à 39.)

Ce que Jésus ne discutait publiquement que fort rarement en détail, devenait le sujet de ses intimes entretiens avec ses disciples. Ils avaient les mêmes idées que lui sur l’état de l’âme après la mort et sur la doctrine juive concernant la résurrection. « Insensés que vous êtes, dit l’apôtre Paul, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne reprend pas de vie, s’il ne meurt auparavant ? Et quand vous semez, vous ne semez pas le corps de la plante qui doit naître, mais la graine seulement, comme celle du blé ou de quelque autre chose. Le corps, comme une semence est maintenant mis en terre plein de corruption et il ressuscitera incorruptible. Il est mis en terre comme un corps animal et il ressuscitera comme un corps spirituel. Comme il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. La chair et le sang ne peuvent posséder le royaume de Dieu et la corruption ne possédera point cet héritage incorruptible. (1. Cor., chap. XV, v. de 37 à 50.)

Le corps humain, composé d’éléments terrestres, retournera à la terre et entrera dans les éléments qui composent les corps des plantes, des animaux et des hommes. Ce corps est incapable d’une vie éternelle ; étant corruptible, il ne peut hériter l’incorruptibilité. Un corps spirituel naîtra de la mort, c’est-à-dire que le moi spirituel s’élèvera comme transfiguré au-dessus des parties du corps frappées de la mort, dans une plus grande liberté et pourvu d’une enveloppe spirituelle.

Cette doctrine de l’Évangile, telle qu’elle est sortie des révélations de Jésus et de ses disciples, correspond admirablement avec ce que nous savons déjà maintenant de la nature de l’homme. Il est irrécusable que l’Esprit ou l’âme, en outre de son corps terrestre, est, en réalité, revêtue d’un corps spirituel, lequel, tout comme la reproduction de la fleur d’une semence pourrie, se libère par la mort du corps matériel.

On dit souvent, par allégorie, que le sommeil est le frère de la mort ; il l’est en réalité. Le sommeil n’est que la retraite de l’Esprit ou de l’âme, l’abandon provisoire fait par elle des parties extérieures et plus grossières du corps. La même chose a lieu au moment de la mort.

Durant le sommeil, dans ces parties de notre corps abandonnées pour quelque temps par notre personnalité plus élevée, il ne réside que la vie végétale. L’homme reste dans un état d’insensibilité, mais son sang circule dans ses veines, sa respiration continue ; toutes les fonctions de sa vie végétale sont en pleine activité, ressemblant à celles de la vie inconsciente des plantes. Cette retraite passagère de l’élément spirituel de l’homme paraît de temps en temps nécessaire pour l’élément matériel, car ce dernier finit par se détruire pour ainsi dire soi-même, par un usage trop prolongé, et s’affaiblit au service de l’Esprit. La vie végétale abandonnée à elle même, et laissée en repos par l’activité de l’Esprit, peut alors continuer à travailler sans entraves à sa restauration, suivant les lois de sa nature. Voilà pourquoi, à la suite d’un sommeil fait en état de santé, nous sentons notre corps comme reposé et notre Esprit s’en réjouit ; mais après la mort, la vie végétale abandonne aussi les éléments matériels du corps qui lui devaient leur liaison, et ils se désagrègent.

Le corps abandonné de l’Esprit ou de l’âme peut, dans certains cas, nous paraître en vie, même quand la mort véritable est déjà consommée, c’est-à-dire quand l’élément spirituel l’a déjà quitté. Le cadavre abandonné de son Esprit continue de respirer, son pouls de battre ; on dit : «  Il vit encore. » D’un autre côté, il peut arriver parfois que la force vitale, ayant positivement abandonné quelques parties du corps, celles-ci sont véritablement mortes, tandis que l’Esprit et le corps restent unis dans les autres parties du corps où réside encore la force vitale.

Le sommeil, un des plus grands secrets de l’existence humaine, mérite nos observations les plus constantes et les plus attentives ; mais la difficulté que présentent ces observations devient d’autant plus grande que, pour les faire, l’Esprit observateur est forcé de s’assujettir aux lois de la nature matérielle et de la laisser agir, pour lui donner la faculté de se prêter plus facilement à son usage et à ses expériences. Tout sommeil est l’aliment de la force vitale. L’Esprit n’y entre pour rien, car le sommeil est aussi complètement indépendant de l’Esprit, que la digestion, la transformation des aliments en sang, la croissance des cheveux, ou la séparation du corps des liquides inutiles.

L’état de veille est une consommation de la force vitale, son expansion en dehors du corps et son action extérieure ; le sommeil est une assimilation, une attraction de cette même force du dehors. C’est pourquoi nous trouvons le sommeil, non-seulement chez les hommes et les animaux, mais aussi chez les plantes, qui, à l’approche de la nuit, ferment les corolles de leurs fleurs ou laissent pendre leurs feuilles après les avoir plissées.

Quel est donc l’état de notre élément spirituel, pendant sa retraite de nos sens extérieurs ? Il n’est plus apte à recevoir les impressions du dehors, par l’usage de ses yeux, de ses oreilles, par le goût, par l’odorat et le toucher ; mais pourrait-on dire que pendant ces moments, notre nous s’anéantisse ? S’il en était ainsi, notre corps recevrait chaque matin un autre Esprit, une autre âme, à la place de celle qui serait détruite.

L’Esprit s’étant retiré de ses sens, continue de vivre et d’agir, quoique ne pouvant se manifester qu’imparfaitement, ayant renoncé pour quelque temps aux instruments dont il a l’habitude de se servir ordinairement.

Les rêves sont autant de preuves de la continuation de l’activité de l’Esprit. L’homme réveillé se rappelle avoir rêvé, mais ces souvenirs sont le plus souvent rendus vagues ou obscurs par les vives impressions qui se précipitent subitement vers l’Esprit à son réveil, par l’entremise des sens. Si même dans ce moment il ignore de quelles visions il s’était occupé pendant son sommeil, il conserve néanmoins, au moment d’un réveil subit, la conscience que son attention s’est détachée de quelque chose qui l’avait préoccupé jusque-là en dedans de lui-même.

Le sommeil se compose toujours de visions, de désirs et de sentiments, mais qui se forment d’une manière indépendante des objets extérieurs puisque les sens extérieurs de l’homme restent inactifs ; c’est pourquoi ils laissent rarement une impression vive et durable dans la mémoire. L’Esprit devait donc être occupé, quoique après le sommeil nous ne puissions pas nous ressouvenir des résultats de son activité.

Mais quel homme est en état de se rappeler les milliers de ces rapides visions qui se présentent à son Esprit, même à l’état de veille, à telle ou telle heure du jour ? A-t-il pour cela le droit de prétendre que son Esprit n’a pas eu de visions juste au moment où il était avant tout actif et réfléchissant ?

Durant le sommeil, l’Esprit conserve le sentiment de son existence, tout aussi bien que pendant son état de veille. Même pendant son sommeil, il sait se distinguer parfaitement des objets de ses visions.

Chaque fois que nous nous souvenons d’un rêve, nous trouvons que c’était notre propre moi qui, avec un sentiment bien imparfait de son individualité, flottait parmi les images de sa propre fantaisie. Nous pouvons oublier les accessoires des songes qui n’ont produit sur nous qu’une faible impression, et pendant lesquels notre Esprit n’a pas réagi fortement par ses désirs et ses sentiments ; par conséquent, nous pourrions aussi oublier que nous avions alors le sentiment de notre existence, mais ce n’est pas une raison de supposer que ce dernier ait été un seul moment suspendu, parce que nous ne nous en souvenons plus !

Il y a des hommes qui, préoccupés par de graves réflexions, ne savent pas, même en état de veille, ce qui se passe autour d’eux. Leur Esprit, s’étant retiré des parties extérieures du corps et des organes de leurs sens, se concentre et ne s’occupe que de lui-même et, extérieurement, ils paraissent rêver ou dormir les yeux ouverts. Mais qui pourrait nier qu’ils aient pleinement gardé le sentiment de leur existence, pendant ces moments de profonde méditation, quoiqu’alors ils ne voient pas avec leurs yeux et n’entendent pas avec leurs oreilles ? Une autre preuve de la continuation incessante du sentiment de notre existence et de notre identité, c’est la puissance que possède l’homme de se réveiller de lui-même à une heure fixée par lui d’avance.

Par conséquent, on ne peut dire d’un homme plongé dans un sommeil plus ou moins profond qu’il a perdu la connaissance de lui-même, quand, au contraire, il porte en lui le sentiment de son existence, mais sans pouvoir nous le manifester. C’est justement le cas dans les évanouissements, quand l’élément spirituel de l’homme se retire en lui-même par l’effet d’une perturbation passagère et partielle de sa vie végétale, car l’Esprit fuit tout ce qui est mort, et ne tient que grâce à la force vitale, à ce qui, par soi-même, n’est que matière inerte. L’homme évanoui ne donne aucun signe extérieur d’existence, mais il n’en reste pas privé, non plus que durant son sommeil. Beaucoup de personnes évanouies, de même que les dormeurs, conservent souvent le souvenir de quelques-unes des visions qu’elles ont eues pendant cet état, qui se rapproche tant de celui de la mort ; d’autres les oublient. Il y a des évanouissements pendant lesquels tout le corps reste blême, froid, privé de respiration et de mouvement et ressemble tout à fait à un cadavre, tandis que l’Esprit, se trouvant encore en communication avec quelques-uns des sens, comprend tout ce qui se passe autour de lui, sans pouvoir, comme dans les cas de catalepsie, donner aucun signe extérieur de vie et de connaissance. Que de personnes ont pu de cette manière être enterrées vivantes, en pleine connaissance de tout ce qui s’ordonnait pour leur enterrement par leurs parents ou leurs amis trompés par une fatale apparence !  n

Un autre état très remarquable de l’homme nous donne la preuve de l’activité non interrompue de l’Esprit et de sa connaissance de lui-même qui ne se perd jamais, même quand, dans la suite, il ne se le rappelle plus.

C’est l’état de somnambulisme. L’homme s’endort de son sommeil ordinaire. Il n’entend, ne voit et ne sent rien ; mais, subitement, il a l’air de se réveiller, non de son sommeil, mais dans lui-même. Il entend, mais non avec ses oreilles ; il voit, mais non avec ses yeux ; il sent, mais non par son épiderme. Il marche, il parle, il fait beaucoup de choses et remplit plusieurs fonctions, à l’étonnement général des assistants, avec la plus grande circonspection et plus de perfection que dans son état de veille. Il se rappelle dans cet état, très distinctement, les évènements arrivés tandis qu’il veillait, même ceux qu’il oublie pendant sa veille, quand il se trouve en possession de tous ses sens. Après être resté dans cet état pendant quelque temps, le somnambule retombe de nouveau dans le sommeil ordinaire, et quand il en est tiré, il ne se rappelle absolument rien de tout ce qui s’est passé, il a oublié tout ce qu’il a dit et fait, et souvent il se refuse à ajouter foi à ce que les spectateurs racontent de lui.

Pourrait-on cependant dénier à son Esprit la connaissance de lui-même, ainsi que son admirable activité durant le sommeil somnambulique ? Qui l’oserait ? Le somnambule, retombé de nouveau dans le sommeil qui constitue son réveil intérieur, se souvient parfaitement, dans cet état incompréhensible pour lui-même, de tout ce qu’il a fait et pensé auparavant dans un état pareil, et dont il avait perdu complètement le souvenir pendant l’état de veille de ses sens extérieurs.

Comment expliquer ce phénomène ? Comment se peut-il qu’un homme qui dort puisse non-seulement voir et entendre avec ses sens extérieurs inactifs, mais cela plus positivement, plus parfaitement qu’en état de veille ? Parce que nous savons que le corps n’est autre chose que le vase ou l’enveloppe extérieure de l’âme ; que, sans elle, il ne peut rien éprouver, et que l’œil d’un cadavre voit tout aussi peu que l’œil d’une statue. C’est donc l’âme et uniquement l’âme qui sent, voit et entend ce qui se passe en dehors d’elle. L’œil, l’oreille, etc., ne sont que des instruments et des dispositions favorables de l’enveloppe extérieure pour procurer à l’âme les impressions du dehors. Mais il y a des circonstances dans lesquelles cette enveloppe grossière se trouvant brisée ou endommagée, l’âme la transperce pour ainsi dire et continue son action, sans avoir pour cela besoin de ses sens extérieurs. Elle réagit alors avec un surcroît de vigueur, mais tout autrement que dans son état ordinaire ou de veille, contre ce qui n’est pas mort dans l’homme.

C’est donc bien l’âme qui est l’être sentant et non le corps ; par conséquent, c’est elle qui forme le véritable corps de l’Esprit, et le corps matériel n’est que sa charpente extérieure, sa couverture, son enveloppe. L’expérience et des exemples innombrables nous prouvent suffisamment que l’Esprit ne perd jamais son activité et la conscience de son moi, même alors qu’il ne peut se rappeler minutieusement chaque moment particulier de son existence. Sachant que l’Esprit, absorbé dans de profondes réflexions, perd de vue son propre corps et tout ce qui l’environne ; que, dans certaines maladies, il peut se trouver dans l’impossibilité absolue d’agir sur les parties extérieures de son corps, et peut quelquefois s’en passer complètement (comme dans l’état de somnambulisme), pour l’exécution de ses desseins, nous devons comprendre clairement comment l’Esprit immortel, ayant quitté son enveloppe matérielle et périssable, conserve, après sa mort terrestre, la conscience et le sentiment de son existence, quoique se trouvant hors d’état de pouvoir le manifester aux vivants par l’entremise du cadavre, puisque celui-ci ne lui appartient plus. Nous comprenons en même temps ce que c’est que le corps spirituel dont parle l’apôtre Paul ; ce que nous devons entendre par le corps impérissable qui doit renaître du corps périssable (1. Cor., XV, 4) ; comment la faiblesse s’abat et est semée dans le tombeau, et comment la force se relève et s’élance vers le ciel, mûre pour une meilleure vie (1. Cor., XV, 43). C’est là la véritable résurrection de la mort, la résurrection spirituelle. Ce qui est poussière en nous doit redevenir poussière et cendres ; mais l’Esprit, vêtu d’un corps transfiguré, porte dorénavant l’image du ciel, tout comme jusqu’alors il avait porté l’image de la terre (1. Cor., XV, 49). Le corps terrestre pourrissant dans le tombeau ne ressent plus rien, mais aussi n’a-t-il jamais rien ressenti par lui-même. C’était donc le corps spirituel, l’âme, qui percevait et sentait tout. Elle continuera aussi à le faire, délivrée de son vase brisé, mais seulement d’une manière infiniment plus délicate et plus prompte. L’Esprit ayant conscience de lui-même dans son enveloppe spirituelle, pourra alors tout aussi bien et infiniment mieux encore admirer la gloire de Dieu dans ses créations, et posséder en même temps la faculté de voir et d’aimer ceux qui lui sont chers ; mais il n’éprouvera plus de besoins matériels et sensuels, il n’aura plus de larmes. Il deviendra l’image du ciel, qui est sa véritable patrie.

Que sentirai-je au moment où tu m’appelleras à toi, mon Créateur, mon Père ! au moment de ma transfiguration, quand, entouré de mes bien-aimés pleurant autour de moi et voyant mes bien-aimés qui m’ont précédé s’approcher de moi, je les bénirai tous avec un amour égal ! Et quand, sanctifié par Jésus-Christ, participant à son règne, je me présenterai devant toi, ô mon Dieu ! t’adorant de la reconnaissance la plus vive, de la vénération la plus profonde, de l’étonnement sans bornes ! Que mon Esprit immortel soit assez mûr alors pour goûter cette félicité suprême ! Amen.



[1] [Méditations religieuses: en forme de discours, pour toutes les …, Volume 1 par Heinrich Zschokke - Google Books.]


[2] Il faut se rappeler que ces lignes furent écrites cinquante ans avant les révélations des Esprits recueillies par le Spiritisme. (Note du traducteur.)


[3] Le célèbre physiologiste allemand, le docteur Buchner [Ludwig Büchner], a publié en 1859, dans le no 349, de Disdascalia, journal scientifique qui paraissait à Darmstadt, un article sur l’usage du chloroforme, à la fin duquel il ajoute ces paroles très remarquables dans la bouche de l’auteur de Force et Matière [Kraft und stoff, Ludwig Büchner - Google Books.] : « La découverte du chloroforme et de ses effets extraordinaires est non-seulement d’une grande signification pour la science médicale, mais aussi pour deux de nos principales sciences : la physiologie et, — qu’on ne s’en étonne pas trop, — la philosophie. » Ce qui porte le docteur matérialiste à dire que, même sous le rapport psychologique, l’usage du chloroforme est de quelque poids, c’est que les patients s’étant trouvés, pendant les opérations qu’ils ont subies, dans un état de demi-étourdissement produit par l’effet du chloroforme, ont plusieurs fois déclaré, après leur réveil, que, durant l’opération, ils n’avaient ressenti ni douleur, ni sentiment d’angoisse ou de peur, mais que chaque fois ils avaient parfaitement entendu tout ce qui se passait et se disait autour d’eux, sans pourtant être en état de faire un mouvement quelconque, ni de remuer un seul de leurs membres.

Ce fait ne vient-il pas prouver positivement la possibilité de l’existence de l’Esprit en dehors de la matière, qui meurt dès que l’Esprit qui la vivifiait la quitte définitivement ?

Le magnétisme, lui aussi, n’offre-t-il pas des preuves, pour ainsi dire palpables, de l’existence de l’âme indépendante de la matière, et comment est-il traité par les savants et les académies ?

Au lieu de lui prêter toute leur attention et de s’appliquer à l’étudier sérieusement, ils se bornent à le nier, ce qui certainement est plus commode, mais ne fait pas honneur à nos savantes corporations. (Note du traducteur.)


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