Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année XI — Décembre 1868.

(Langue portugaise)

CONSTITUTION TRANSITOIRE DU SPIRITISME.

I. Considérations préliminaires. II. Extrait du compte rendu de la caisse du Spiritisme. — III. Des schismes. — IV. Le chef du Spiritisme. — V. Comité central. — Départements du Comité central. — VI. Ouvrages fondamentaux de la doctrine. — VII. Attributions du comité. — VIII. Voies et moyens. — IX. Conclusion.


I.


CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES.

Le Spiritisme a eu, comme toutes choses, sa période d’enfantement, et jusqu’à ce que toutes les questions, principales et accessoires qui s’y rattachent, aient été résolues, il n’a pu donner que des résultats incomplets ; on a pu en entrevoir le but, en pressentir les conséquences, mais seulement d’une manière vague. De l’incertitude sur les points non encore déterminés devaient forcément naître des divergences sur la manière de les considérer ; l’unification ne pouvait être que l’œuvre du temps ; elle s’est faite graduellement à mesure que les principes se sont élucidés. Ce n’est que lorsque la doctrine aura embrassé toutes les parties qu’elle comporte, qu’elle formera un tout harmonieux, et c’est seulement alors qu’on pourra juger ce qu’est véritablement le Spiritisme.

Tant que le Spiritisme n’a été qu’une opinion philosophique, il ne pouvait y avoir entre les adeptes que la sympathie naturelle produite par la communauté des idées, mais aucun lien sérieux ne pouvait exister faute d’un programme nettement défini. Telle est, évidemment, la principale cause du peu de cohésion et de stabilité des groupes et sociétés qui se sont formés. Aussi avons-nous, constamment et de toutes nos forces, détourné les Spirites de fonder prématurément aucune institution spéciale appuyée sur la doctrine, avant que celle-ci ne fût assise sur des bases solides ; c’eût été s’exposer à des échecs inévitables dont l’effet aurait été désastreux par l’impression qu’ils auraient produite sur le public et le découragement qui en serait résulté chez les adeptes.

Ces échecs auraient peut-être retardé d’un siècle le progrès définitif de la doctrine, à l’impuissance de laquelle on aurait imputé un insuccès qui, en réalité, n’aurait été que le résultat de l’imprévoyance. Faute de savoir attendre pour arriver à point, les trop pressés et les impatients ont de tout temps compromis les meilleures causes. n

Il ne faut demander aux choses que ce qu’elles peuvent donner, à mesure qu’elles sont en état de produire ; on ne peut exiger d’un enfant ce qu’on peut attendre d’un adulte, ni d’un jeune arbre nouvellement planté ce qu’il produira quand il sera dans toute sa force. Le Spiritisme, en voie d’élaboration, ne pouvait donner que des résultats individuels ; les résultats collectifs et généraux seront les fruits du Spiritisme complet qui se développera successivement.

Bien que le Spiritisme n’ait pas encore dit son dernier mot sur tous les points, il approche de son complément, et le moment n’est pas éloigné où il faudra lui donner une base forte et durable, susceptible, néanmoins, de recevoir tous les développements que comporteront les circonstances ultérieures, et donnant toute sécurité à ceux qui se demandent qui en prendra les rênes après nous.

La doctrine est impérissable, sans doute, parce qu’elle repose sur les lois de la nature, et que, mieux que toute autre, elle répond aux légitimes aspirations des hommes ; cependant sa diffusion et son installation définitive peuvent être avancées ou retardées par des circonstances, dont quelques-unes sont subordonnées à la marche générale des choses, mais d’autres sont inhérentes à la doctrine elle-même, à sa constitution et à son organisation ; c’est de celles-ci dont nous avons spécialement à nous occuper pour le moment.

Bien que la question de fond soit en tout prépondérante et finisse toujours par prévaloir, la question de forme a ici une importance capitale ; elle pourrait même l’emporter momentanément et susciter des entraves et des retards selon la manière dont elle sera résolue.

Nous aurions donc fait une chose incomplète et laissé de grands embarras à l’avenir, si nous n’avions pas prévu les difficultés qui peuvent surgir. C’est en vue d’y parer, qu’avec le concours des bons Esprits qui nous assistent dans nos travaux, nous avons élaboré un plan d’organisation pour lequel nous avons mis à profit l’expérience du passé, afin d’éviter les écueils contre lesquels se sont heurtées la plupart des doctrines qui ont paru dans le monde. Ce plan pouvant se prêter à tous les développements que réserve l’avenir, c’est pour cela que nous avons donné à cette constitution la qualification de transitoire.

Le plan ci-après est conçu depuis longtemps, parce que nous nous sommes toujours préoccupé de l’avenir du Spiritisme ; nous l’avons fait pressentir en diverses circonstances, vaguement, il est vrai, mais suffisamment pour montrer que ce n’est pas aujourd’hui une conception nouvelle, et que, tout en travaillant à la partie théorique de l’œuvre nous n’en négligions pas le côté pratique.

Avant d’aborder le fond de la question, il nous paraît utile de rappeler quelques passages du compte rendu que nous avons présenté à la Société de Paris, le 5 mai 1865, à propos de la caisse du Spiritisme, et qui a été publié dans la Revue de juin 1865, page 161. Les considérations qu’il renferme se rattachent directement à notre sujet, dont elles sont les préliminaires indispensables.


II.


Extrait du compte rendu de la caisse du Spiritisme fait à la Société de Paris, le 5 mai 1865.

On a beaucoup parlé des produits que je retirais de mes ouvrages ; personne de sérieux assurément ne croit à mes millions, malgré l’affirmation de ceux qui disaient tenir de bonne source que j’avais un train princier, des équipages à quatre chevaux et que chez moi on ne marchait que sur des tapis d’Aubusson.  †  (Revue de juin 1862, page 179.) Quoi qu’en ait dit, en outre, l’auteur d’une brochure que vous connaissez, et qui prouve, par des calculs hyperboliques, que mon budget des recettes dépasse la liste civile du plus puissant souverain de l’Europe, parce que, en France seulement, vingt millions de Spirites sont mes tributaires (Revue de juin 1863, page 175), il est un fait plus authentique que ses calculs, c’est que je n’ai jamais rien demandé à personne, que personne ne m’a jamais rien donné pour moi personnellement ; en un mot, que je ne vis aux dépens de personne, puisque, sur les sommes qui m’ont été volontairement confiées dans l’intérêt du Spiritisme, aucune parcelle n’en a été distraite à mon profit. n

Mes immenses richesses proviendraient donc de mes ouvrages spirites. Bien que ces ouvrages aient eu un succès inespéré, il suffit d’être tant soit peu initié aux affaires de librairie, pour savoir que ce n’est pas avec des livres philosophiques qu’on amasse des millions en cinq ou six ans, quand on n’a sur la vente qu’un droit d’auteur de quelques centimes par exemplaire. Mais qu’il soit fort ou faible, ce produit étant le fruit de mon travail, personne n’a le droit de s’immiscer dans l’emploi que j’en fais ; quand même il s’élèverait à des millions, du moment que l’achat des livres, aussi bien que l’abonnement à la Revue, est facultatif et n’est imposé en aucune circonstance, pas même pour assister aux séances de la Société, cela ne regarde personne. Commercialement parlant, je suis dans la position de tout homme qui recueille le fruit de son travail ; je cours la chance de tout écrivain qui peut réussir, comme il peut échouer.  n

Bien que, sous ce rapport, je n’aie aucun compte à rendre, je crois utile, pour la cause même à laquelle je me suis voué, de donner quelques explications.

Je dirai d’abord que mes ouvrages n’étant pas ma propriété exclusive, je suis obligé de les acheter à mon éditeur et de les payer comme un libraire, à l’exception de la Revue ; que le bénéfice se trouve singulièrement diminué par les non-valeurs et les distributions gratuites faites dans l’intérêt de la doctrine, à des gens qui, sans cela, seraient obligés de s’en passer. Un calcul bien facile prouve que le prix de dix volumes perdus ou donnés, que je n’en dois pas moins payer, suffit pour absorber le bénéfice de cent volumes. Ceci soit dit à titre de renseignement et comme parenthèse. Somme toute, et balance faite, il reste cependant quelque chose. Supposez le chiffre que vous voudrez ; qu’est-ce que j’en fais ? C’est là ce qui préoccupe le plus certaines gens.

Quiconque a vu notre intérieur jadis et le voit aujourd’hui, peut attester que rien n’est changé à notre manière de vivre depuis que je m’occupe de Spiritisme ; elle est tout aussi simple maintenant qu’elle était autrefois. Il est donc certain que mes bénéfices, si énormes soient-ils, ne servent pas à nous donner les jouissances du luxe. Est-ce donc que j’aurais la manie de thésauriser pour avoir le plaisir de contempler mon argent ? Je ne pense pas que mon caractère et mes habitudes aient jamais pu le faire supposer.

A quoi donc cela passe-t-il ? Du moment que cela ne me profite pas, plus la somme est fabuleuse, plus la réponse est embarrassante. Un jour, on en saura le chiffre exact, ainsi que l’emploi détaillé, et les faiseurs d’histoires en seront pour leurs frais d’imagination ; aujourd’hui je me borne à quelques données générales pour mettre un frein à des suppositions ridicules. Je dois à cet effet entrer dans quelques détails intimes dont je vous demande pardon, mais qui sont nécessaires.

De tout temps nous avons eu de quoi vivre, très modestement, il est vrai, mais ce qui eût été peu pour certaines gens nous suffisait, grâce à nos goûts et à nos habitudes d’ordre et d’économie. A notre petit revenu venait s’ajouter en supplément le produit des ouvrages que j’ai publiés avant le Spiritisme, et celui d’un modeste emploi que j’ai dû quitter quand les travaux de la doctrine ont absorbé tout mon temps.

Le Spiritisme, en me tirant de l’obscurité, est venu me lancer dans une nouvelle voie ; en peu de temps je me suis trouvé entraîné dans un mouvement que j’étais loin de prévoir. Lorsque je conçus l’idée du Livre des Esprits, mon intention était de ne point me mettre en évidence et de rester inconnu ; mais, promptement débordé, cela ne m’a pas été possible : j’ai dû renoncer à mes goûts de retraite, sous peine d’abdiquer l’œuvre entreprise et qui grandissait chaque jour ; il m’a fallu en suivre l’impulsion et en prendre les rênes. Si mon nom a maintenant quelque popularité, ce n’est assurément pas moi qui l’ai recherchée, car il est notoire que je ne la dois ni à la réclame, ni à la camaraderie de la presse, et que je n’ai jamais profité de ma position et de mes relations pour me lancer dans le monde, alors que cela m’eût été si facile. Mais, à mesure que l’œuvre grandissait, un horizon plus vaste se déroulait devant moi, et en reculait les bornes ; je compris alors l’immensité de ma tâche, et l’importance du travail qui me restait à faire pour la compléter ; les difficultés et les obstacles, loin de m’effrayer, redoublèrent mon énergie ; je vis le but, et je résolus de l’atteindre avec l’assistance des bons Esprits.

Je sentais que je n’avais pas de temps à perdre, et je ne le perdis ni en visites inutiles, ni en cérémonies oiseuses ; ce fut l’œuvre de ma vie ; j’y donnai tout mon temps, j’y sacrifiai mon repos, ma santé, parce que l’avenir était écrit devant moi en caractères irrécusables.

Sans nous écarter de notre genre de vie, cette position exceptionnelle ne nous en a pas moins créé des nécessités auxquelles mes seules ressources ne me permettaient pas de pourvoir. Il serait difficile de se figurer la multiplicité des dépenses qu’elle entraîne, et que j’aurais évitées sans cela.

Eh bien ! messieurs, ce qui m’a procuré ce supplément de ressources, c’est le produit de mes ouvrages. Je le dis avec bonheur, c’est avec mon propre travail, avec le fruit de mes veilles que j’ai pourvu, en majeure partie du moins, aux nécessités matérielles de l’installation de la doctrine. J’ai ainsi apporté une large quote-part à la caisse du Spiritisme ; ceux qui aident à la propagation des ouvrages ne pourront donc pas dire qu’ils travaillent à m’enrichir, puisque le produit de tout livre acheté, de tout abonnement à la Revue, profite à la doctrine et non à un individu.

Ce n’était pas tout de pourvoir au présent ; il fallait aussi penser à l’avenir, et préparer une fondation qui, après moi, pût aider celui qui me remplacera dans la grande tâche qu’il aura à remplir ; cette fondation, sur laquelle je dois me taire encore, se rattache à la propriété que je possède, et c’est en vue de cela que j’applique une partie de mes produits à l’améliorer. Comme je suis loin des millions dont on m’a gratifié, je doute fort que, malgré mes économies, mes ressources personnelles me permettent jamais de donner à cette fondation le complément que je voudrais lui voir de mon vivant ; mais puisque sa réalisation est dans les vues de mes guides spirituels, si je ne le fais pas moi-même, il est probable qu’un jour ou l’autre, cela se fera. En attendant, j’en élabore les plans.

Loin de moi, messieurs, la pensée de tirer la moindre vanité de ce que je viens de vous exposer ; il a fallu la persévérance de certaines diatribes pour m’engager, quoique à regret, à rompre le silence sur quelques-uns des faits qui me concernent. Plus tard, tous ceux que la malveillance s’est plu à dénaturer seront mis en lumière par des documents authentiques, mais le temps de ces explications n’est pas encore venu ; la seule chose qui m’importait pour le moment, c’était que vous fussiez édifiés sur la destination des fonds que la Providence fait passer par mes mains, quelle qu’en soit l’origine. Je ne me considère que comme dépositaire, même de ceux que je gagne, à plus forte raison de ceux qui me sont confiés.

Quelqu’un me demandait un jour, sans curiosité bien entendu, et par pur intérêt pour la chose, ce que je ferais d’un million si je l’avais. Je lui ai répondu qu’aujourd’hui l’emploi en serait tout différent de ce qu’il eût été dans le principe. Jadis j’eusse fait de la propagande par une large publicité ; maintenant je reconnais que cela eût été inutile, puisque nos adversaires s’en sont chargés à leurs frais. En ne mettant pas alors de grandes ressources à ma disposition pour cet objet, les Esprits ont voulu prouver que le Spiritisme devait son succès à sa propre force.

Aujourd’hui que l’horizon s’est élargi, que l’avenir surtout s’est déroulé, des besoins d’un tout autre ordre se font sentir. Un capital, comme celui que vous supposez, recevrait un emploi plus utile. Sans entrer dans des détails qui seraient prématurés, je dirai simplement qu’une partie servirait à convertir ma propriété en une maison spéciale de retraite spirite, dont les habitants recueilleraient les bienfaits de notre doctrine morale ; l’autre à constituer un revenu inaliénable destiné : 1º à l’entretien de l’établissement ; 2º à assurer une existence indépendante à celui qui me succédera et à ceux qui l’aideront dans sa mission ; 3º à subvenir aux besoins courants du Spiritisme sans courir la chance de produits éventuels comme je suis obligé de le faire, puisque la majeure partie de ses ressources repose sur mon travail qui aura un terme.

Voilà ce que je ferais ; mais si cette satisfaction ne m’est pas donnée, je sais que, d’une manière ou d’une autre, les Esprits qui dirigent le mouvement pourvoiront à toutes les nécessités en temps utile ; c’est pourquoi je ne m’en inquiète nullement, et m’occupe de ce qui est pour moi la chose essentielle : l’achèvement des travaux qui me restent à terminer. Cela fait, je partirai quand il plaira à Dieu de me rappeler.


III.


DES SCHISMES.

Une question qui se présente, tout d’abord à la pensée est celle des schismes qui pourront naître dans le sein de la doctrine ; le Spiritisme en sera-t-il préservé ?

Non, assurément, parce qu’il aura, dans le commencement surtout, à lutter contre les idées personnelles, toujours absolues, tenaces, lentes à se rallier aux idées d’autrui, et contre l’ambition de ceux qui veulent attacher, quand même, leur nom à une innovation quelconque ; qui créent des nouveautés uniquement pour pouvoir dire qu’ils ne pensent pas et ne font pas comme les autres ; ou parce que leur amour-propre souffre de n’occuper qu’un rang secondaire ; ou enfin qui voient avec dépit un autre faire ce qu’ils n’ont pas fait, et, de plus, réussir. Mais comme nous leur avons dit cent fois : « Qui est-ce qui vous barre le chemin ? Qui vous empêche de travailler de votre côté ? Qui vous interdit de mettre au jour vos œuvres ? La publicité vous est ouverte comme à tout le monde ; donnez quelque chose de mieux que ce qui est, nul ne s’y oppose ; soyez mieux goûtés du public, et il vous donnera la préférence. »

Si le Spiritisme ne peut échapper aux faiblesses humaines, avec lesquelles il faut toujours compter, il peut en paralyser les conséquences, et c’est l’essentiel.

Il est à remarquer que les nombreux systèmes divergents, éclos à l’origine du Spiritisme, sur la manière d’expliquer les faits, ont disparu à mesure que la doctrine s’est complétée par l’observation et une théorie rationnelle ; c’est à peine, aujourd’hui, si ces premiers systèmes trouvent encore quelques rares partisans. C’est là un fait notoire d’où l’on peut conclure que les dernières divergences s’effaceront avec la complète élucidation de toutes les parties de la doctrine ; mais il y aura toujours les dissidents de parti pris, intéressés, par une cause ou par une autre, à faire bande à part : c’est contre leur prétention qu’il faut se prémunir.

Pour assurer l’unité dans l’avenir, une condition est indispensable, c’est que toutes les parties de l’ensemble de la doctrine soient déterminées avec précision et clarté, sans rien laisser dans le vague ; pour cela nous avons fait en sorte que nos écrits ne puissent donner lieu à aucune interprétation contradictoire, et nous tâcherons qu’il en soit toujours ainsi. Lorsqu’il aura été dit carrément et sans ambiguïté que deux et deux font quatre, nul ne pourra prétendre qu’on a voulu dire que deux et deux font cinq. Il pourra donc se former à côté de la doctrine des sectes qui n’en adopteront pas les principes, ou tous les principes, mais non dans la doctrine par l’interprétation du texte, comme il s’en est formé de si nombreuses sur le sens des paroles mêmes de l’Évangile. C’est là un premier point d’une importance capitale.

Le second point est de ne pas sortir du cercle des idées pratiques. S’il est vrai que l’utopie de la veille soit souvent la vérité du lendemain, laissons au lendemain le soin de réaliser l’utopie de la veille, mais n’embarrassons pas la doctrine de principes qui seraient considérés comme des chimères et la feraient rejeter par les hommes positifs.

Le troisième point, enfin, est inhérent au caractère essentiellement progressif de la doctrine. De ce qu’elle ne se berce pas de rêves irréalisables pour le présent, il ne s’ensuit pas qu’elle s’immobilise dans le présent. Exclusivement appuyée sur les lois de la nature, elle ne peut pas plus varier que ces lois, mais si une nouvelle loi se découvre, elle doit s’y rallier ; elle ne doit fermer la porte à aucun progrès, sous peine de se suicider ; s’assimilant toutes les idées reconnues justes, de quelque ordre qu’elles soient, physiques ou métaphysiques, elle ne sera jamais débordée, et c’est là une des principales garanties de sa perpétuité.

Si donc une secte se forme à ses côtés, fondée ou non sur les principes du Spiritisme, il arrivera de deux choses l’une : ou cette secte sera dans la vérité, ou elle n’y sera pas ; si elle n’y est pas, elle tombera d’elle-même sous l’ascendant de la raison et du sens commun, comme déjà tant d’autres sont tombées depuis des siècles ; si ses idées sont justes, ne fût-ce que sur un point, la doctrine, qui cherche le bien et le vrai partout où ils se trouvent, se les assimile, de sorte qu’au lieu d’être absorbée, c’est elle qui absorbe.

Si quelques-uns de ses membres viennent à s’en séparer, c’est qu’ils croiront pouvoir faire mieux ; s’ils font réellement mieux, elle les imitera ; s’ils font plus de bien, elle s’efforcera d’en faire autant, et davantage si cela se peut ; s’ils font plus mal, elle les laissera faire, certaine que, tôt ou tard, le bien l’emporte sur le mal, et le vrai sur le faux. Voilà la seule lutte qu’elle engagera.

Ajoutons que la tolérance, conséquence de la charité, qui est la base de la morale spirite, lui fait un devoir de respecter toutes les croyances.

Voulant être acceptée librement, par conviction et non par contrainte, proclamant la liberté de conscience comme un droit naturel imprescriptible, elle dit : Si j’ai raison, les autres finiront par penser comme moi ; si j’ai tort, je finirai par penser comme les autres. En vertu de ces principes, ne jetant la pierre à personne, elle ne donnera aucun prétexte à représailles, et laissera aux dissidents toute la responsabilité de leurs paroles et de leurs actes.

Le programme de la doctrine ne sera donc invariable que sur les principes passés à l’état de vérités constatées ; pour les autres, elle ne les admettra, comme elle l’a toujours fait, qu’à titre d’hypothèses jusqu’à confirmation. S’il lui est démontré qu’elle est dans l’erreur sur un point, elle se modifiera sur ce point.

La vérité absolue est éternelle, et, par cela même, invariable ; mais qui peut se flatter de la posséder tout entière ? Dans l’état d’imperfection de nos connaissances, ce qui nous semble faux aujourd’hui, peut être reconnu vrai demain, par suite de la découverte de nouvelles lois ; il en est ainsi dans l’ordre moral comme dans l’ordre physique. C’est contre cette éventualité que la doctrine ne doit jamais se trouver au dépourvu. Le principe progressif, qu’elle inscrit dans son code, sera, comme nous l’avons dit, la sauvegarde de sa perpétuité, et son unité sera maintenue précisément parce qu’elle ne repose pas sur le principe de l’immobilité. L’immobilité, au lieu d’être une force, devient une cause de faiblesse et de ruine pour qui ne suit pas le mouvement général ; elle rompt l’unité, parce que ceux qui veulent aller en avant se séparent de ceux qui s’obstinent à rester en arrière. Mais, tout en suivant le mouvement progressif, il faut le faire avec prudence et se garder de donner tête baissée dans les rêveries des utopies et des systèmes. Il faut le faire à temps, ni trop tôt ni trop tard, et en connaissance de cause.

On comprend qu’une doctrine assise sur de telles bases doit être réellement forte ; elle défie toute concurrence et neutralise les prétentions de ses compétiteurs. C’est à ce point que nos efforts tendent à amener la doctrine spirite.

L’expérience, d’ailleurs, a déjà justifié cette prévision. La doctrine ayant marché dans cette voie depuis son origine, elle a constamment avancé, mais sans précipitation, regardant toujours si le terrain où elle pose le pied est solide, et mesurant ses pas sur l’état de l’opinion. Elle a fait comme le navigateur qui ne marche que la sonde à la main et en consultant les vents.


IV.


LE CHEF DU SPIRITISME.

Mais qui sera chargé de maintenir le Spiritisme dans cette voie ? Qui en aura même la force ? Qui aura le loisir et la persévérance de s’adonner au travail incessant qu’exige une pareille tâche ? Si le Spiritisme est livré à lui-même, sans guide, n’est-il pas à craindre qu’il ne dévie de sa route ? que la malveillance, à laquelle il sera longtemps encore en butte, ne s’efforce d’en dénaturer l’esprit ? C’est là, en effet, une question vitale, et dont la solution est d’un intérêt majeur pour l’avenir de la doctrine.

La nécessité d’une direction centrale supérieure, gardienne vigilante de l’unité progressive et des intérêts généraux de la doctrine, est tellement évidente que l’on s’inquiète déjà de ne pas voir encore de conducteur poindre à l’horizon. On comprend que, sans une autorité morale, capable de centraliser les travaux, les études et les observations, de donner l’impulsion, de stimuler le zèle, de défendre le faible, de soutenir les courages chancelants, d’aider des conseils de l’expérience, de fixer l’opinion sur les points incertains, le Spiritisme courrait risque de marcher à la dérive. Non-seulement cette direction est nécessaire, mais il faut qu’elle soit dans des conditions de force et de stabilité suffisantes pour braver les orages.

Ceux qui ne veulent d’aucune autorité ne comprennent pas les véritables intérêts de la doctrine ; si quelques-uns pensent pouvoir se passer de toute direction, la plupart, ceux qui ne croient pas à leur infaillibilité et n’ont pas une confiance absolue en leurs propres lumières, éprouvent le besoin d’un point d’appui, d’un guide, ne serait-ce que pour les aider à marcher avec plus d’assurance et de sécurité. (Voir la Revue d’avril 1866, p. 111 : Le Spiritisme indépendant.)

La nécessité d’une direction étant établie, de qui le chef tiendra-t-il ses pouvoirs ? Sera-t-il acclamé par l’universalité des adeptes disséminés dans le monde entier ? C’est une chose impraticable. S’il s’impose de son autorité privée, il sera accepté par les uns, rejeté par les antres, et vingt prétendants peuvent surgir qui élèveront drapeau contre drapeau ; ce serait à la fois le despotisme et l’anarchie. Un tel acte serait le fait d’un ambitieux, et rien ne serait moins propre qu’un ambitieux, par cela même orgueilleux, à diriger une doctrine basée sur l’abnégation, le dévouement, le désintéressement et l’humilité ; placé en dehors du principe fondamental de la doctrine, il ne pourrait qu’en fausser l’esprit.

C’est ce qui aurait inévitablement lieu s’il n’était pris d’avance des mesures efficaces pour parer à cet inconvénient.

Admettons, cependant, qu’un homme réunisse toutes les qualités requises pour l’accomplissement de son mandat, et qu’il arrive à la direction supérieure par une voie quelconque : les hommes se suivent et ne se ressemblent pas ; après un bon peut en venir un mauvais ; avec l’individu peut changer l’Esprit de la direction ; sans mauvais desseins, il peut avoir des vues plus ou moins justes ; s’il veut faire prévaloir ses idées personnelles, il peut faire dévoyer la doctrine, susciter des divisions, et les mêmes difficultés se renouvelleront à chaque changement. Il ne faut pas perdre de vue que le Spiritisme n’est pas encore dans la plénitude de sa force ; au point de vue de l’organisation, c’est un enfant qui commence seulement à marcher ; il importe donc, au début surtout, de le prémunir contre les difficultés de la route.

Mais, dira-t-on, un des messies annoncés, qui doivent prendre part à la régénération, ne sera-t-il pas à la tête du Spiritisme ? C’est probable ; mais comme ils n’auront pas au front une marque pour se faire reconnaître, qu’ils ne s’affirmeront que par leurs actes, et ne seront, pour la plupart, reconnus pour tels qu’après leur mort, selon ce qu’ils auront fait pendant leur vie ; que, d’ailleurs, il n’y aura pas des messies à perpétuité, il faut prévoir toutes les éventualités. On sait que leur mission sera multiple ; qu’il y en aura à tous les degrés de l’échelle, et dans les diverses branches de l’économie sociale, où chacun exercera son influence au profit des idées nouvelles, selon la spécialité de sa position ; tous travailleront donc à l’établissement de la doctrine, soit dans une partie, soit dans une autre, les uns comme chefs d’États, les autres comme légistes, d’autres comme magistrats, savants, littérateurs, orateurs, industriels, etc. ; chacun fera ses preuves dans sa partie, depuis le prolétaire jusqu’au souverain, sans que rien autre que ses œuvres le distingue du commun des hommes. Si l’un d’eux doit prendre part à la direction administrative du Spiritisme, il est probable qu’il sera mis providentiellement en position d’y arriver par les moyens légaux qui seront adoptés ; des circonstances, en apparence fortuites, l’y amèneront, sans dessein prémédité de sa part, sans même qu’il ait conscience de sa mission. (Revue spirite : Les messies du Spiritisme, février et mars 1868, pages 45 et 65.)

En pareil cas, le pire de tous les chefs serait celui qui se donnerait pour l’élu de Dieu. Comme il n’est pas rationnel d’admettre que Dieu confie de telles missions à des ambitieux ou à des orgueilleux, les vertus caractéristiques d’un véritable messie, doivent être avant tout la simplicité, l’humilité, la modestie, en un mot, le désintéressement matériel et moral le plus complet ; or, la seule prétention d’être un messie, serait la négation de ces qualités essentielles ; elle prouverait, chez celui qui se prévaudrait d’un pareil titre, ou une sotte présomption s’il est de bonne foi, ou une insigne imposture. Il ne manquera pas d’intrigants, soi-disant Spirites, qui voudront s’élever par orgueil, ambition au cupidité ; d’autres qui s’étaieront de prétendues révélations à l’aide desquelles ils chercheront à se mettre en relief et à fasciner les imaginations trop crédules. Il faut prévoir aussi que, sous de fausses apparences, des individus pourraient tenter de s’emparer du gouvernail avec l’arrière-pensée de faire sombrer le navire en le faisant dévier de sa route. Il ne sombrera pas, mais il pourrait éprouver de fâcheux retards qu’il faut éviter. Ce sont là, sans contredit, les plus grands écueils dont le Spiritisme doit se garer ; plus il prend de consistance, plus ses adversaires lui dresseront d’embûches.

Il est donc du devoir de tous les Spirites sincères de déjouer les manœuvres de l’intrigue qui peuvent s’ourdir dans les plus petits centres comme dans les plus grands. Ils devront tout d’abord répudier de la manière la plus absolue, quiconque se poserait de lui-même en messie, soit comme chef du Spiritisme, soit comme simple apôtre de la doctrine.

On connaît l’arbre à son fruit ; attendez donc que l’arbre ait donné des fruits avant de juger s’il est bon, et regardez encore si les fruits sont véreux. (Évangile selon le Spiritisme, chap. XXI, nº 9, Caractères du vrai prophète.)

Quelqu’un avec qui nous nous entretenions de ce sujet, proposait l’expédient suivant : ce serait de faire désigner les candidats par les Esprits eux-mêmes dans chaque groupe ou société spirite. Outre que ce moyen n’obvierait pas à tous les inconvénients, il en aurait de spéciaux à ce mode de procéder, que l’expérience a déjà démontrés et qu’il serait superflu de rappeler ici. Il ne faut pas perdre de vue que la mission des Esprits est de nous instruire, de nous améliorer, mais non de se substituer à l’initiative de notre libre arbitre ; ils nous suggèrent des pensées, nous aident de leurs conseils, surtout en ce qui touche aux questions morales, mais ils laissent à notre jugement le soin de l’exécution des choses matérielles qu’ils n’ont pas pour mission de nous épargner. Ils ont, dans leur monde, des attributions qui ne sont pas celles d’ici-bas ; leur demander ce qui est en dehors de ces attributions, c’est s’exposer aux tromperies des Esprits légers. Que les hommes se contentent d’être assistés et protégés par de bons Esprits, mais qu’ils ne se déchargement pas sur eux de la responsabilité qui incombe au rôle d’incarné.

Ce moyen, d’ailleurs, susciterait plus d’embarras qu’on ne le pense, par la difficulté de faire participer tous les groupes à cette élection ; ce serait une complication dans les rouages, et les rouages sont d’autant moins susceptibles de se désorganiser qu’ils sont plus simplifiés.

Le problème est donc de constituer une direction centrale, dans des conditions de force et de stabilité qui la mettent à l’abri des fluctuations, qui répondent à tous les besoins de la cause et opposent une barrière absolue aux menées de l’intrigue et de l’ambition. Tel est le but du plan dont nous allons donner une esquisse rapide.


V.


COMITÉ CENTRAL.

Pendant la période d’élaboration, la direction du Spiritisme a dû être individuelle ; il était nécessaire que tous les éléments constitutifs de la doctrine, sortis à l’état d’embryons d’une multitude de foyers, aboutissent à un centre commun pour y être contrôlés et collationnés, et qu’une seule pensée présidât à leur coordination pour établir l’unité dans l’ensemble et l’harmonie dans toutes les parties. S’il en eût été autrement, la doctrine aurait ressemblé à ces édifices hybrides élevés par plusieurs architectes, ou bien à un mécanisme dont les rouages ne s’engrènent pas avec précision les uns dans les autres.

Nous l’avons dit, parce que c’est une incontestable vérité, clairement démontrée aujourd’hui : la doctrine ne pouvait pas plus sortir de toutes pièces d’un seul centre que toute la science astronomique d’un seul observatoire ; et tout centre qui eût tenté de la constituer sur ses seules observations aurait fait quelque chose d’incomplet et se serait trouvé, sur une infinité de points, en contradiction avec les autres. Si mille centres eussent voulu faire leur doctrine, il n’y en aurait pas eu deux de pareilles sur tous les points. Si elles eussent été d’accord pour le fond, elles auraient inévitablement différé pour la forme ; or, comme il y a beaucoup de gens qui voient la forme avant le fond, il y aurait eu autant de sectes que de formes différentes. L’unité ne pouvait sortir que de l’ensemble et de la comparaison de tous les résultats partiels ; c’est pourquoi la concentration des travaux était nécessaire. (Genèse, chap. 1, Caractères de la révélation spirite, nº 51 et suivants.)

Mais ce qui était un avantage pour un temps deviendrait plus tard un inconvénient. Aujourd’hui que le travail d’élaboration est terminé, en ce qui concerne les questions fondamentales ; que les principes généraux de la science sont établis, la direction, d’individuelle qu’elle a dû être en commençant, doit devenir collective ; d’abord parce qu’il vient un moment où son poids excède les forces d’un homme, et, en second lieu, parce qu’il y a plus de garantie pour le maintien de l’unité dans une réunion d’individus, dont chacun n’a que sa voix au chapitre, et qui ne peuvent rien sans le concours les uns des autres, que dans un seul qui peut abuser de son autorité et vouloir faire prédominer ses idées personnelles.

Au lieu d’un chef unique, la direction sera dévolue à un comité central ou conseil supérieur permanent, — peu importe le nom, — dont l’organisation et les attributions seront définies de manière à ne rien laisser à l’arbitraire. Ce comité sera composé de douze membres titulaires au plus, qui devront, à cet effet, réunir certaines conditions voulues, et d’un nombre égal de conseillers. Suivant les besoins, il pourra être secondé par des membres auxiliaires actifs. Il se complètera lui-même, selon des règles également déterminées, de nature à éviter tout favoritisme, à mesure des vacances par extinctions ou autres causes. Une disposition spéciale fixera le mode de nomination des douze premiers.

Chaque membre présidera à son tour pendant un an, et celui qui remplira cette fonction sera désigné par le sort.

L’autorité du président est purement administrative ; il dirige les délibérations du comité, surveille l’exécution des travaux et l’expédition des affaires ; mais en dehors des attributions qui lui sont conférées par les statuts constitutifs, il ne peut prendre aucune décision sans le concours du comité. Partant, point d’abus possibles, point d’aliments à l’ambition, point de prétextes d’intrigues ni de jalousie, point de suprématie blessante.

Le comité, ou conseil supérieur, sera donc la tête, le véritable chef du Spiritisme, chef collectif ne pouvant rien sans l’assentiment de la majorité, et, dans certains cas, sans celui d’un congrès ou assemblée générale. Suffisamment nombreux pour s’éclairer par la discussion, il ne le sera pas assez pour qu’il y ait confusion.

Les congrès seront formés des délégués des sociétés particulières, régulièrement constituées, et placées sous le patronage du comité par leur adhésion et la conformité de leurs principes.

Pour le public des adeptes, l’approbation ou la désapprobation, le consentement ou le refus, les décisions, en un mot, d’un corps constitué, représentant une opinion collective, auront forcément une autorité qu’elles n’auraient jamais émanant d’un seul individu qui ne représente qu’une opinion personnelle. Souvent on rejette l’opinion d’un seul, on se croit humilié de s’y soumettre, alors qu’on défère sans difficulté à celle de plusieurs.

Il est bien entendu qu’il s’agit ici d’une autorité morale, en ce qui concerne l’interprétation et l’application des principes de la doctrine, et non d’un pouvoir disciplinaire quelconque. Cette autorité sera, en matière de Spiritisme, ce qu’est celle d’une académie en matière de science.

Pour le public étranger, un corps constitué a plus d’ascendant et de prépondérance ; contre les adversaires, surtout, il présente une force de résistance et possède des moyens d’action que ne saurait avoir un individu ; il lutte avec infiniment plus d’avantage. On s’attaque à une individualité, on la brise ; il n’en est pas de même d’un être collectif.

Il y a également, dans un être collectif, une garantie de stabilité qui n’existe pas lorsque tout repose sur une seule tête ; que l’individu soit empêché par une cause quelconque, tout peut être entravé. Un être collectif, au contraire, se perpétue sans cesse ; qu’il perde un ou plusieurs de ses membres, rien ne périclite.

La difficulté, dira-t-on, sera de réunir, d’une manière permanente, douze personnes qui soient toujours d’accord.

L’essentiel est qu’elles soient d’accord sur les principes fondamentaux ; or, ce sera une condition absolue de leur admission, comme de celle de tous les participants à la direction. Sur les questions pendantes de détail, peu importe leur divergence, puisque c’est l’opinion de la majorité qui prévaut. Celui dont la manière de voir sera juste, ne manquera pas de bonnes raisons pour la justifier. Si l’un d’eux, contrarié de ne pouvoir faire admettre ses idées, se retirait, les choses n’en suivraient pas moins leur cours, et il n’y aurait pas lieu de le regretter, puisqu’il ferait preuve d’une susceptibilité orgueilleuse peu spirite, et qu’il pourrait devenir une cause de trouble.

La cause la plus ordinaire de division entre cointéressés, c’est le conflit des intérêts, et la possibilité pour l’un de supplanter l’autre à son profit.

Cette cause n’a aucune raison d’être dès l’instant que le préjudice de l’un ne peut profiter aux autres, qu’ils sont solidaires et ne peuvent que perdre au lieu de gagner à la désunion. Ceci est une question de détail, prévue dans l’organisation.

Admettons que dans le nombre se trouve un faux frère, un traître, gagné par les ennemis de la cause, que pourra-t-il, puisqu’il n’a que sa voix dans les décisions ? Supposons que, par impossible, le comité entier entre dans une mauvaise voie : les congrès seront là pour y mettre ordre.

Le contrôle des actes de l’administration sera dans les congrès, qui pourront décréter le blâme ou une accusation contre le comité central, pour cause d’infraction à son mandat, de déviation des principes reconnus, ou de mesures préjudiciables à la doctrine. C’est pour cela qu’il en référera aux congrès dans les circonstances où il jugerait que sa responsabilité pourrait être engagée d’une manière grave.

Si donc les congrès sont un frein pour le comité, celui-ci puise une nouvelle force dans leur approbation. C’est ainsi que ce chef collectif relève en définitive de l’opinion générale, et ne peut, sans péril pour lui-même, s’écarter du droit chemin.

Lorsque le comité sera organisé, nous en ferons partie à titre de simple membre, ayant notre part de collaboration, sans revendiquer, pour nous, ni suprématie, ni titre, ni privilège quelconque.


[DÉPARTEMENTS DU COMITÉ CENTRAL.]


Aux attributions générales du comité seront annexés, comme dépendances locales :

1º Une bibliothèque où se trouveront réunis tous les ouvrages qui intéressent le Spiritisme, et qui pourront être consultés sur place ou donnés en lecture ;

2º Un musée, où seront réunies les premières œuvres de l’art spirite, les travaux médianimiques les plus remarquables, les portraits des adeptes qui auront bien mérité de la cause par leur dévouement, ceux des hommes que le Spiritisme honore, quoique étrangers à la doctrine, comme bienfaiteurs de l’humanité, grands génies missionnaires du progrès, etc. n

3º Un dispensaire destiné aux consultations médicales gratuites, et au traitement de certaines affections, sous la direction d’un médecin patenté ;

4º Une caisse de secours et de prévoyance, dans des conditions pratiques ;

5º Une maison de retraite ;

6º Une société d’adeptes, ayant des séances régulières.


VI.


OUVRAGES FONDAMENTAUX DE LA DOCTRINE.

Beaucoup de personnes regrettent que les ouvrages fondamentaux de la doctrine soient d’un prix trop élevé pour un grand nombre de lecteurs, et pensent, avec raison, que s’il en était fait des éditions populaires à bas prix, ils seraient bien plus répandus, et que la doctrine y gagnerait.

Nous sommes complètement de cet avis ; mais les conditions dans lesquelles ils sont édités ne permettent pas qu’il en soit autrement dans l’état actuel des choses. Nous espérons arriver un jour à ce résultat, à l’aide d’une nouvelle combinaison qui se rattache au plan général d’organisation ; mais cette opération ne peut être réalisée qu’étant entreprise sur une vaste échelle ; de notre seule part, elle exigerait, soit des capitaux que nous n’avons pas, soit des soins matériels que nos travaux, qui réclament toutes nos méditations, ne nous permettent pas de donner. Aussi la partie commerciale proprement dite a-t-elle été négligée, ou, pour mieux dire, sacrifiée à l’établissement de la partie doctrinale. Ce qu’il importait, avant tout, c’est que les ouvrages fussent faits et les bases de la doctrine posées.

Lorsque la doctrine sera organisée par la constitution du comité central, nos ouvrages deviendront la propriété du Spiritisme dans la personne de ce même comité, qui en aura la gérance et donnera les soins nécessaires à leur publication par les moyens les plus propres à les populariser. Il devra également s’occuper de leur traduction dans les principales langues étrangères.

La Revue a été, jusqu’à ce jour, et ne pouvait être qu’une œuvre personnelle, attendu qu’elle fait partie de nos œuvres doctrinales, tout en servant d’annales au Spiritisme. C’est là que tous les principes nouveaux sont élaborés et mis à l’étude. Il était donc nécessaire qu’elle conservât son caractère individuel pour la fondation de l’unité.

Nous avons été maintes fois sollicité de la faire paraître à des époques plus rapprochées ; quelque flatteur que fût pour nous ce désir, nous n’avons pu y accéder ; d’abord, parce que le temps matériel ne nous permettait pas ce surcroît de travail, et en second lieu, qu’elle ne devait pas perdre son caractère essentiel, qui n’est pas celui d’un journal proprement dit.

Aujourd’hui que notre œuvre personnelle approche de son terme, les nécessités ne sont plus les mêmes ; la Revue deviendra, comme nos autres ouvrages faits et à faire, la propriété collective du comité, qui en prendra la direction, pour la plus grande utilité du Spiritisme, sans que nous renoncions, pour cela, à y donner notre collaboration.

Pour compléter l’œuvre doctrinale, il nous reste à publier plusieurs ouvrages, qui n’en sont pas la partie la moins difficile, ni la moins pénible. Bien que nous en possédions tous les éléments, et que le programme en soit tracé jusqu’au dernier chapitre, nous pourrions y donner des soins plus assidus et les activer si, par l’institution du comité central, nous étions affranchis de détails qui absorbent une grande partie de notre temps.


VII.


ATTRIBUTIONS DU COMITÉ.

Les principales attributions du comité central seront :

1º Le soin des intérêts de la doctrine et sa propagation ; le maintien de son unité par la conservation de l’intégrité des principes reconnus ; le développement de ses conséquences ;

2º L’étude des principes nouveaux, susceptibles d’entrer dans le corps de la doctrine ;

3º La concentration de tous les documents et renseignements qui peuvent intéresser le Spiritisme ;

4º La correspondance ;

5º Le maintien, la consolidation et l’extension des liens de fraternité entre les adeptes et les sociétés particulières des différents pays ;

6º La direction de la Revue qui sera le journal officiel du Spiritisme, et à laquelle pourra être jointe une autre publication périodique ;

7º L’examen et l’appréciation des ouvrages, articles de journaux, et tous écrits intéressant la doctrine. La réfutation des attaques, s’il y a lieu ;

8º La publication des ouvrages fondamentaux de la doctrine, dans les conditions les plus propres à leur vulgarisation. La confection et la publication de ceux dont nous donnerons le plan, et que nous n’aurions pas le temps de faire de notre vivant. Les encouragements donnés aux publications qui pourront être utiles à la cause ;

9º La fondation et la conservation de la bibliothèque, des archives et du musée ;

10º L’administration de la caisse de secours, du dispensaire et de la maison de retraite ;

11º L’administration des affaires matérielles ;

12º La direction des séances de la société ;

13º L’enseignement oral ;

15º Les visites et instructions aux réunions et sociétés particulières qui se placeront sous son patronage.

16º La convocation des congrès et assemblées générales.


Ces attributions seront réparties entre les différents membres du comité, selon la spécialité de chacun, lesquels, au besoin, seront assistés par un nombre suffisant de membres auxiliaires ou de simples employés.

En conséquence, parmi les membres du comité, il y aura :

Un secrétaire général pour la correspondance, et les procès-verbaux des séances du comité ;

Un rédacteur en chef pour la Revue et les autres publications ;

Un bibliothécaire archiviste, chargé en outre de l’examen et des comptes rendus d’ouvrages et articles de journaux ;

Un directeur de la caisse de secours, chargé en outre de la direction du dispensaire, des visites aux malades et aux nécessiteux, et de tout ce qui a rapport à la bienfaisance. Il sera secondé par un comité de bienfaisance, pris dans le sein de la société, et formé de personnes charitables de bonne volonté ;

Un administrateur comptable, chargé des affaires et des intérêts matériels ;

Un directeur spécial pour les affaires concernant les publications ;

Des orateurs pour l’enseignement oral, chargés en outre de visiter les sociétés des départements, et d’y donner des instructions. Il pourra en être pris parmi les membres auxiliaires et les adeptes de bonne volonté, qui recevront, à cet effet, un mandat spécial.

Quelle que soit l’extension ultérieure des affaires et du personnel administratif, le comité sera toujours limité au même nombre de membres titulaires.

Jusqu’à présent, nous avons dû suffire à peu près à nous seul à ce programme ; aussi quelques-unes de ses parties ont-elles été négligées ou n’ont pu être qu’ébauchées, et celles qui sont plus spécialement de notre ressort, ont dû souffrir d’inévitables retards, par la nécessité de nous occuper de tant de choses, alors que le temps et les forces ont des limites, et qu’une seule absorberait le temps d’un homme.


VIII.


VOIES ET MOYENS.

Il est fâcheux, sans doute, d’être obligé d’entrer dans des considérations matérielles pour atteindre un but tout spirituel ; mais il faut observer que la spiritualité même de l’œuvre se rattache à la question de l’humanité terrestre et de son bien-être ; qu’il ne s’agit plus seulement de l’émission de quelques idées philosophiques, mais de fonder quelque chose de positif et de durable, pour l’extension et la consolidation de la doctrine à laquelle il faudra faire produire les fruits qu’elle est susceptible de donner. Se figurer que nous sommes encore aux temps où quelques apôtres pouvaient se mettre en route avec leur bâton de voyage, sans souci de leur gîte et de leur pain quotidien, serait une illusion bientôt détruite par une amère déception. Pour faire quelque chose de sérieux, il faut se soumettre aux nécessités qu’imposent les mœurs de l’époque où l’on vit ; ces nécessités sont tout autres qu’aux temps de la vie patriarcale ; l’intérêt même du Spiritisme exige donc que l’on calcule ses moyens d’action pour ne pas être arrêté en chemin.

Calculons donc, puisque nous sommes dans un siècle où il faut compter.

Les attributions du comité central seront assez nombreuses, comme on le voit, pour nécessiter une véritable administration. Chaque membre ayant des fonctions actives et assidues, si l’on ne prenait que des hommes de bonne volonté, les travaux pourraient en souffrir, car nul n’aurait le droit de faire des reproches aux négligents. Pour la régularité des travaux et de l’expédition des affaires, il est nécessaire d’avoir des hommes sur l’assiduité desquels on puisse compter, et dont les fonctions ne soient pas de simples actes de complaisance. Plus ils auraient d’indépendance par leurs ressources personnelles, moins ils s’astreindraient à des occupations assidues ; s’ils n’en ont pas, ils ne peuvent donner leur temps. Il faut donc qu’ils soient rétribués, ainsi que le personnel administratif ; la doctrine y gagnera en force, en stabilité, en ponctualité, en même temps que ce sera un moyen de rendre service à des personnes qui pourraient en avoir besoin.

Un point essentiel, dans l’économie de toute administration prévoyante, c’est que son existence ne repose pas sur des produits éventuels pouvant faire défaut, mais sur des ressources fixes, régulières, de manière à ce que sa marche, quoi qu’il arrive, ne puisse être entravée. Il faut donc que les personnes qui seront appelées à donner leur concours ne puissent concevoir aucune inquiétude sur leur avenir. Or, l’expérience démontre qu’on doit considérer comme essentiellement aléatoires les ressources qui ne reposent que sur le produit de cotisations, toujours facultatives, quels que soient les engagements contractés, et d’un recouvrement souvent difficile. Asseoir des dépenses permanentes et régulières sur des ressources éventuelles, serait un manque de prévoyance que l’on pourrait un jour regretter. Les conséquences sont moins graves, sans doute, quand il s’agit de fondations temporaires qui durent ce qu’elles peuvent ; mais ici, c’est une question d’avenir. Le sort d’une administration comme celle-ci ne peut être subordonné aux chances d’une affaire commerciale ; elle doit être, dès son début, sinon aussi florissante, du moins aussi stable qu’elle le sera dans un siècle d’ici. Plus sa base sera solide, moins elle sera exposée aux coups de l’intrigue.

En pareil cas, la plus vulgaire prudence veut que l’on capitalise, d’une manière inaliénable, les ressources à mesure qu’elles arrivent, afin de constituer un revenu perpétuel, à l’abri de toutes les éventualités.

L’administration réglant ses dépenses sur son revenu, son existence ne peut, dans aucun cas, être compromise, puisqu’elle aura toujours les moyens de fonctionner. Elle peut, en commençant, être organisée sur une plus petite échelle ; les membres du comité peuvent être provisoirement bornés à cinq ou six, le personnel et les frais administratifs réduits à leur plus simple expression, sauf à proportionner le développement à l’accroissement des ressources et des besoins de la cause, mais encore faut-il le nécessaire.

Personnellement, et bien que partie active du comité, nous ne serons d’aucune charge au budget, ni pour émoluments, ni pour indemnités de voyages, ni pour une cause quelconque ; si nous n’avons jamais rien demandé à personne pour nous, nous le ferions encore moins dans cette circonstance ; notre temps, notre vie, toutes nos forces physiques et intellectuelles appartiennent à la doctrine. Nous déclarons donc formellement qu’aucune partie des ressources dont disposera le comité ne sera distraite à notre profit.

Nous y apportons, au contraire, notre quote-part :

1º Par l’abandon des produits de nos ouvrages faits et à faire ;

2º Par l’apport de valeurs mobilières et immobilières.

Nous faisons donc des vœux pour la réalisation de notre plan, dans l’intérêt de la doctrine, et non pour nous y faire une position dont nous n’avons pas besoin. C’est à préparer les voies de cette installation que nous avons consacré jusqu’à ce jour le produit de nos travaux, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Si nos moyens personnels ne nous permettent pas de faire plus, nous aurons du moins la satisfaction d’en avoir posé la première pierre.

Supposons donc que, par une voie quelconque, le comité central soit, dans un temps donné, mis en mesure de fonctionner, ce qui suppose un revenu fixe de 25 à 30,000 francs, en se restreignant pour le début, les ressources de toutes natures dont il disposera, en capitaux et produits éventuels, constitueront la Caisse générale du Spiritisme, qui sera l’objet d’une comptabilité rigoureuse. Les dépenses obligatoires étant réglées, l’excédant du revenu accroîtra le fonds commun ; c’est proportionnellement aux ressources de ce fonds que le comité pourvoira aux diverses dépenses utiles au développement de la doctrine, sans que jamais il puisse en faire son profit personnel, ni une source de spéculation pour aucun de ses membres. L’emploi des fonds et la comptabilité seront, d’ailleurs, soumis à la vérification de commissaires spéciaux délégués à cet effet par les congrès ou assemblées générales.

Un des premiers soins du comité sera de s’occuper des publications dès qu’il en aura la possibilité, sans attendre de pouvoir le faire à l’aide du revenu ; les fonds affectés à cet usage ne seront, en réalité, qu’une avance, puisqu’ils rentreront par la vente des ouvrages, dont le produit retournera au fonds commun. C’est une affaire d’administration.

Pour donner à cette institution une existence légale, à l’abri de toute contestation, lui donner en outre le droit d’acquérir, de recevoir et de posséder, elle sera constituée, si cela est jugé nécessaire, par acte authentique, sous forme de société commerciale anonyme, pour quatrevingt-dix-neuf ans, indéfiniment prorogeable, avec toutes les stipulations nécessaires pour que jamais elle ne puisse s’écarter de son but, et que les fonds ne puissent être détournés de leur destination.

Sans entrer ici dans des détails qui seraient superflus et prématurés, nous devons cependant dire quelques mots sur deux institutions accessoires du comité, afin qu’on ne se méprenne pas sur le sens que nous y attachons ; nous voulons parler de la caisse de secours et de la maison de retraite.

L’établissement d’une caisse générale de secours est une chose impraticable, et qui présenterait de sérieux inconvénients, ainsi que nous l’avons démontré dans un article spécial. (Revue de juillet 1866, page 193.) Le comité ne peut donc s’engager dans une voie qu’il serait bientôt forcé d’abandonner, ni rien entreprendre qu’il ne soit certain de pouvoir réaliser. Il doit être positif, et ne point se bercer d’illusions chimériques ; c’est le moyen de marcher longtemps et sûrement ; pour cela, il doit en tout rester dans les limites du possible.

Cette caisse de secours ne peut et ne doit être qu’une institution locale, d’une action circonscrite, dont la prudente organisation pourra servir de modèle à celles du même genre que pourraient créer les sociétés particulières. C’est par leur multiplicité qu’elles pourront rendre des services efficaces, et non en centralisant les moyens d’action.

Elle sera alimentée : 1º par la portion affectée à cette destination sur le revenu de la caisse générale du Spiritisme ; 2º par les dons spéciaux qui y seront faits. Elle capitalisera les sommes reçues de manière à se constituer un revenu ; c’est sur ce revenu qu’elle donnera des secours temporaires ou viagers, et remplira les obligations de son mandat, lesquelles seront stipulées dans son règlement constitutif.

Le projet d’une maison de retraite, dans l’acception complète du mot, ne peut être réalisé au début, en raison des capitaux qu’exigerait une semblable fondation, et, en outre, parce qu’il faut laisser à l’administration le temps de s’asseoir et de marcher avec régularité, avant de songer à compliquer ses attributions par des entreprises où elle pourrait échouer. Embrasser trop de choses avant d’être assuré des moyens d’exécution, serait une imprudence. On le comprendra facilement si l’on réfléchit à tous les détails que comportent les établissements de ce genre. Il est bon, sans doute, d’avoir de bonnes intentions, mais avant tout il faut pouvoir les réaliser.


IX.


CONCLUSION.

Telles sont les bases principales de l’organisation que nous nous proposons de donner au Spiritisme, si les circonstances nous le permettent ; nous avons dû en développer un peu longuement les motifs, afin d’en faire connaître l’esprit. Les détails, seront l’objet d’une réglementation minutieuse où tous les cas seront prévus de manière à lever toutes les difficultés d’exécution.

Conséquent avec les principes de tolérance et de respect de toutes les opinions que professe le Spiritisme, nous ne prétendons imposer cette organisation à personne, ni contraindre qui que ce soit de s’y soumettre.

Notre but est d’établir un premier lien entre les Spirites, qui le désirent depuis longtemps et se plaignent de leur isolement. Or, ce lien, sans lequel le Spiritisme, restant à l’état d’opinion individuelle, sans cohésion, ne peut exister qu’à la condition de se rattacher à un centre par une communauté de vues et de principes. Ce centre n’est point une individualité, mais un foyer d’activité collective, agissant dans l’intérêt général, et où l’autorité personnelle s’efface.

S’il n’eût pas existé, quel aurait été le point de ralliement des Spirites disséminés en différents pays ? Ne pouvant communiquer leurs idées, leurs impressions, leurs observations à tous les autres centres particuliers, disséminés eux-mêmes, et souvent sans consistance, ils seraient restés isolés, et la diffusion de la doctrine en aurait souffert. Il fallait donc un point où tout aboutît, et d’où tout pût rayonner. Le développement des idées spirites, loin de rendre ce centre inutile, en fera encore mieux sentir la nécessité, parce que le besoin de se rapprocher et de se former en faisceau sera d’autant plus grand que le nombre des adeptes sera plus considérable.

Mais quelle sera l’étendue du cercle d’activité de ce centre ? Est-il destiné à régir le monde, et à devenir l’arbitre universel de la vérité ? S’il avait cette prétention, ce serait mal comprendre l’esprit du Spiritisme qui, par cela même qu’il proclame les principes du libre examen et de la liberté de conscience, répudie la pensée de s’ériger en autocratie ; dès le début, il entrerait dans une voie fatale.

Le Spiritisme a des principes qui, en raison de ce qu’ils sont fondés sur les lois de la nature, et non sur des abstractions métaphysiques, tendent à devenir, et seront certainement un jour, ceux de l’universalité des hommes ; tous les accepteront, parce que ce seront des vérités palpables et démontrées, comme ils ont accepté la théorie du mouvement de la terre ; mais prétendre que le Spiritisme sera partout organisé de la même manière ; que les Spirites du monde entier seront assujettis à un régime uniforme, à une même manière de procéder ; qu’ils devront attendre la lumière d’un point fixe vers lequel ils devront fixer leurs regards, serait une utopie aussi absurde que de prétendre que tous les peuples de la terre ne formeront un jour qu’une seule nation, gouvernée par un seul chef, régie par le même code de lois, et assujettie aux mêmes usages. S’il est des lois générales qui peuvent être communes à tous les peuples, ces lois seront toujours, dans les détails de l’application et de la forme, appropriées aux mœurs, aux caractères, aux climats de chacun.

Ainsi en sera-t-il du Spiritisme organisé. Les Spirites du monde entier auront des principes communs qui les rattacheront à la grande famille par le lien sacré de la fraternité, mais dont l’application pourra varier selon les contrées, sans, pour cela, que l’unité fondamentale soit rompue, sans former des sectes dissidentes se jetant la pierre et l’anathème, ce qui serait antispirite au premier chef. Il pourra donc se former, et il se formera inévitablement, des centres généraux en différents pays, sans autre lien que la communauté de croyance et la solidarité morale, sans subordination de l’un à l’autre, sans que celui de France, par exemple, ait les prétentions de s’imposer aux Spirites américains et réciproquement.

La comparaison des observatoires, que nous avons citée plus haut, est parfaitement juste. Il y a des observatoires sur différents points du globe ; tous, à quelque nation qu’ils appartiennent, sont fondés sur les principes généraux et reconnus de l’astronomie, ce qui ne les rend pas, pour cela, tributaires les uns des autres ; chacun règle ses travaux comme il l’entend ; ils se communiquent leurs observations, et chacun met à profit pour la science, les découvertes de ses confrères. Il en sera de même des centres généraux du Spiritisme ; ce seront les observatoires du monde invisible, qui s’emprunteront réciproquement ce qu’ils auront de bon et d’applicable aux mœurs des contrées où ils seront établis : leur but étant le bien de l’humanité, et non la satisfaction des ambitions personnelles. Le Spiritisme est une question de fond ; s’attacher à la forme serait une puérilité indigne de la grandeur du sujet ; voilà pourquoi les centres divers, qui seront dans le véritable esprit du Spiritisme, devront se tendre une main fraternelle, et s’unir pour combattre leurs ennemis communs : l’incrédulité et le fanatisme.



[1] Nous avons spécialement traité la question des institutions spirites, dans un article de la Revue, juillet 1866, page 193, et auquel nous renvoyons pour plus de développements.


[2] Ces sommes s’élevaient à cette époque au total de 14,100 francs, dont l’emploi, au profit exclusif de la doctrine, est justifié par les comptes.


[3] A ceux qui ont demandé pourquoi nous vendions nos livres, au lieu de les donner, nous avons répondu que nous le ferions si nous avions trouvé un imprimeur qui nous imprimât pour rien, un marchand qui fournît le papier gratis, des libraires qui n’exigeassent aucune remise pour se charger de les répandre, une administration des postes qui les transportât par philanthropie, etc. En attendant, comme nous n’avons pas des millions pour subvenir à ces charges, nous sommes obligés d’y mettre un prix.


[4] Le futur musée possède déjà huit tableaux de grande dimension, qui n’attendent qu’un emplacement convenable, vrais chefs-d’œuvre de l’art, spécialement exécutés en vue du Spiritisme, par un artiste en renom, qui en a généreusement fait don à la doctrine. C’est l’inauguration de l’art spirite par un homme qui réunit la foi sincère au talent des grands maîtres. Nous en ferons en temps utile un compte-rendu détaillé.


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