Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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Revue spirite — Année X — Juillet 1867.

(Langue portugaise)

LA LOI ET LES MÉDIUMS GUÉRISSEURS.

1. — Sous le titre de Un Mystère, plusieurs journaux du mois de mai dernier ont rapporté le fait suivant :

« Deux dames du faubourg Saint-Germain  †  se présentèrent, un de ces jours derniers, chez le commissaire de leur quartier et lui signalèrent le nommé P…, qui avait, dirent-elles, abusé de leur confiance et de leur crédulité, en leur affirmant qu’il les guérirait de maladies, contre lesquelles ses soins avaient été impuissants.

« Ayant ouvert à ce sujet une enquête, le magistrat apprit que P… passait pour un habile médecin, dont la clientèle augmentait chaque jour, et qui faisait des cures extraordinaires.

« D’après ses réponses aux questions du commissaire, P… paraît convaincu qu’il est doué d’une faculté surnaturelle qui lui donne le pouvoir de guérir rien que par l’apposition des mains sur les organes malades.

« Pendant vingt ans il a été cuisinier ; il était même cité pour un des habiles dans son métier, qu’il a abandonné depuis un an pour se consacrer à l’art de guérir.

« A l’en croire, il aurait eu plusieurs visions et apparitions mystérieuses dans lesquelles un envoyé de Dieu lui aurait révélé qu’il avait à accomplir sur la terre une mission d’humanité, à laquelle il ne devait pas faire défaut sous peine d’être damné. Obéissant, dit-il, à cet ordre venu du ciel, l’ancien cuisinier s’est installé dans un appartement de la rue Saint-Placide,  †  et les malades n’ont pas tardé à abonder à ses consultations.

« Il n’ordonne pas de médicaments ; il examine le sujet qu’il doit traiter lorsqu’il est à jeun, le palpe, cherche, et découvre le siège du mal, sur lequel il applique ses mains disposées en croix, prononce quelques paroles qui sont, dit-il, son secret ; puis, à sa prière, un Esprit invisible vient et enlève le mal.

« P… est certainement un fou ; mais ce qu’il y a d’extraordinaire, d’inexplicable, c’est qu’il a prouvé, ainsi que le constate l’enquête, que, par ce singulier procédé, il a guéri plus de quarante personnes affectées de maladies graves.

« Plusieurs lui ont témoigné leur reconnaissance par des dons en argent ; une vieille dame, propriétaire aux environs de Fontainebleau,  †  l’a, par un testament trouvé chez lui, où une perquisition a été pratiquée, fait son héritier pour une somme de 40,000 fr.

« P… a été maintenu en état d’arrestation, et son procès, qui ne tardera pas sans doute à avoir lieu en police correctionnelle, promet d’être curieux. »


2. — Nous ne nous faisons ni l’apologiste ni le détracteur de M. P… que nous ne connaissons pas. Est-il dans de bonnes ou de mauvaises conditions ? Est-il sincère ou charlatan ? Nous l’ignorons ; c’est l’avenir qui le prouvera ; nous ne prenons fait et cause ni pour ni contre lui. Nous mentionnons le fait tel qu’il est rapporté, parce qu’il vient s’ajouter à tous ceux qui accréditent l’idée de l’existence d’une de ces facultés étranges qui confondent la science et ceux qui ne veulent rien admettre en dehors du monde visible et tangible. A force d’en entendre parler et de voir les faits se multiplier, on est bien forcé de convenir qu’il y a quelque chose, et peu à peu on fait la distinction entre la vérité et la jonglerie.

Dans le récit qui précède, on a sans doute remarqué ce curieux passage, et la contradiction non moins curieuse qu’il renferme :

« P… est certainement un fou, mais ce qu’il y a d’extraordinaire, d’inexplicable, c’est qu’il a prouvé, ainsi que le constate l’enquête, que, par ce singulier procédé, il a guéri plus de quarante personnes affectées de maladies graves. »

Ainsi l’enquête constate les guérisons ; mais parce que le moyen qu’il emploie est inexplicable et n’est pas reconnu par la Faculté, il est certainement fou. A ce compte, l’abbé prince de Hohenlohe, dont nous avons rapporté les cures merveilleuses dans la Revue de décembre 1866, p. 368, était un fou ; le vénérable curé d’Ars, qui lui aussi, faisait des guérisons par ces singuliers procédés, était un fou, et tant d’autres ; le Christ, qui guérissait sans diplôme et n’employait pas de médicaments, était fou, et eût payé bien des amendes nos jours. Fous ou non, lorsqu’il y a guérison, il y a bien des gens qui préfèrent être guéris par un fou que d’être enterrés par homme de bon sens.

Avec un diplôme, toutes les excentricités médicales sont permises.

Un médecin, dont nous avons oublié le nom, mais qui gagne beaucoup d’argent, emploie un procédé bien autrement bizarre ; avec un pinceau il maquille la figure de ses malades de petits losanges rouges, jaunes, verts, bleus dont il entoure les yeux, le nez, la bouche en quantité proportionnée à la nature de la maladie. Sur quelle donnée scientifique est fondé ce genre de médication ? Un mauvais plaisant de rédacteur a prétendu que pour s’épargner d’énormes frais de réclames, ce médecin les faisait porter gratis par ses malades, sur leur figure. En voyant dans les rues ces visages tatoués, on demande naturellement ce que c’est ? Et les malades de répondre : C’est le procédé du célèbre docteur un tel.

Mais il est médecin ; que son procédé soit bon, mauvais ou insignifiant, là n’est pas la question ; tout lui est permis, même d’être charlatan : il y est autorisé de par la Faculté ; qu’un individu non diplômé veuille l’imiter, il sera poursuivi pour escroquerie.

On se récrie sur la crédulité du public à l’endroit des charlatans ; on s’étonne de l’affluence qui se porte chez le premier venu qui annonce un nouveau moyen de guérir, chez les somnambules, rebouteurs et autres ; de la prédilection pour les remèdes de bonne femme, et l’on s’en prend à l’ineptie de l’espèce humaine ! La véritable cause tient à l’envie bien naturelle que les malades ont de guérir, et à l’insuccès de la médecine dans un trop grand nombre de cas ; si les médecins guérissaient plus souvent et plus sûrement, on n’irait pas ailleurs ; il arrive même presque toujours qu’on n’a recours à des moyens exceptionnels qu’après avoir épuisé inutilement les ressources officielles ; or, le malade qui veut être guéri à tout prix, s’inquiète peu de l’être selon la règle ou contre la règle.

Nous ne répéterons pas ici ce qui est aujourd’hui clairement démontré sur les causes de certaines guérisons, inexplicables seulement pour ceux qui ne veulent pas se donner la peine de remonter à la source du phénomène. Si la guérison a lieu, c’est un fait, et ce fait a une cause ; est-il plus rationnel de la nier que de la chercher ? – C’est le hasard, dira-ton ; le malade eût guéri tout seul. – Soit ; mais alors le médecin qui le déclarait incurable faisait preuve d’une grande ignorance. Et puis, s’il y a vingt, quarante, cent guérisons pareilles, est-ce toujours le hasard ? Ce serait, il faut en convenir un hasard singulièrement persévérant et intelligent, auquel on pourrait donner le nom de docteur Hasard.

Nous examinerons la question sous un point de vue plus sérieux.


3. — Les personnes non diplômées qui traitent les malades par le magnétisme ; par l’eau magnétisée qui n’est qu’une dissolution de fluide magnétique ; par l’imposition des mains qui est une magnétisation instantanée et puissante ; par la prière qui est une magnétisation mentale ; avec le concours des Esprits, ce qui est encore une variété de magnétisation, sont-elles passibles de la loi contre l’exercice illégal de la médecine ?

Les termes de la loi sont certainement très élastiques, car elle ne spécifie pas les moyens. Rigoureusement et logiquement on ne peut considérer comme exerçant l’art de guérir, que ceux qui font profession, c’est-à-dire, qui en tirent profit. Cependant on a vu des condamnations prononcées contre des individus s’occupant de ces soins par pur dévouement, sans aucun intérêt ostensible ou dissimulé. Le délit est donc surtout dans la prescription des remèdes. Toutefois le désintéressement notoire est généralement pris en considération comme circonstance atténuante.

Jusqu’à présent, on n’avait pas pensé qu’une guérison pût être opérée sans l’emploi de médicaments ; la loi n’a donc pas prévu le cas des traitements curatifs sans remèdes, et ce ne serait que par extension qu’on l’appliquerait aux magnétiseurs et aux médiums guérisseurs. La médecine officielle ne reconnaissant aucune efficacité au magnétisme et ses annexes, et encore moins à l’intervention des Esprits, on ne saurait légalement condamner pour exercice illégal de la médecine, les magnétiseurs et les médiums guérisseur qui ne prescrivent rien, ou rien autre que l’eau magnétisée, car alors ce serait reconnaître officiellement une vertu à l’agent magnétique, et le placer au rang des moyens curatifs ; ce serait comprendre le magnétisme et la médiumnité guérissante dans l’art de guérir, et donner un démenti à la faculté. Ce que l’on fait quelquefois en pareil cas, c’est de condamner pour délit d’escroquerie, et abus de confiance, comme faisant payer une chose sans valeur, celui qui en tire un profit direct ou détourné, ou même dissimulé sous le nom de rétribution facultative, voile auquel il ne faut pas toujours se fier.

L’appréciation du fait dépend entièrement de la manière d’envisager la chose en elle-même ; c’est souvent une question d’opinion personnelle, à moins qu’il n’y ait abus présumé, auquel cas la question bonne foi entre toujours en ligne de compte ; la justice alors apprécie les circonstances aggravantes ou atténuantes.

Il en est tout autrement pour celui dont le désintéressement est avéré et complet ; dès lors qu’il ne prescrit rien et ne reçoit rien, la loi ne peut l’atteindre, ou bien il faudrait y donner une extension que ne comportent ni l’esprit ni la lettre. Où il n’y a rien à gagner, on ne saurait voir du charlatanisme. Il n’y a aucun pouvoir au monde qui puisse s’opposer à l’exercice de la médiumnité ou magnétisation guérissante, dans la véritable acception du mot.

Cependant, dira-t-on, M. Jacob ne faisait rien payer, et il n’en a pas moins été interdit. Cela est vrai, mais il n’a été ni poursuivi, ni condamné pour le fait dont il s’agissait ; l’interdiction était une mesure de discipline militaire, à cause du trouble que pouvait causer au camp l’affluence des personnes qui s’y rendaient, et si depuis, il a excipé de cette interdiction, c’est que cela lui a convenu. S’il n’eût pas appartenu à l’armée, personne ne pouvait l’inquiéter. (Voyez, Revue de mars 1865, page 76 : Le Spiritisme et la Magistrature.)


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