Le Chemin Écriture du Spiritisme Chrétien.
Doctrine spirite - 1re partie. ©

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La Genèse.

(Langue portugaise)

LES MIRACLES SELON LE SPIRITISME.

Chapitre XIII.


CARACTÈRES DES MIRACLES.

Les miracles dans le sens théologique. (1-3.) — Le Spiritisme ne fait pas de miracles. (4-14.) — Dieu fait-il des miracles ? (15-17.) — Le surnaturel et les religions. (18-19.)


LES MIRACLES DANS LE SENS THÉOLOGIQUE.


1. — Dans son acception étymologique, le mot miracle (de mirari, admirer) signifie : admirable, chose extraordinaire, surprenante. 2 L’Académie définit ce mot : Un acte de la puissance divine contraire aux lois connues de la nature.

3 Dans son acception usuelle, ce mot a perdu, comme tant d’autres, sa signification primitive. De générale qu’elle était, elle s’est restreinte à un ordre particulier de faits. Dans la pensée des masses, un miracle implique l’idée d’un fait extra-naturel ; dans le sens théologique, c’est une dérogation aux lois de la nature, par laquelle Dieu manifeste sa puissance. Telle est en effet son acception vulgaire, devenue le sens propre, et ce n’est que par comparaison et par métaphore qu’on l’applique aux circonstances ordinaires de la vie.

4 Un des caractères du miracle proprement dit, c’est d’être inexplicable, par cela même qu’il s’accomplit en dehors des lois naturelles ; et c’est tellement là l’idée qu’on y attache, que si un fait miraculeux vient à trouver son explication, on dit que ce n’est plus un miracle, quelque surprenant qu’il soit. 5 Ce qui fait, pour l’Église, le mérite des miracles, c’est précisément leur origine surnaturelle, et l’impossibilité de les expliquer ; elle est si bien fixée sur ce point que toute assimilation des miracles aux phénomènes de la nature est taxée d’hérésie, d’attentat contre la foi ; qu’elle a excommunié et même brûlé des gens pour n’avoir pas voulu croire à certains miracles.

6 Un autre caractère du miracle, c’est d’être insolite, isolé et exceptionnel ; du moment qu’un phénomène se reproduit, soit spontanément, soit par un acte de la volonté, c’est qu’il est soumis à une loi, et dès lors, que cette loi soit connue ou non, ce ne peut être un miracle.


2. — La science fait tous les jours des miracles aux yeux des ignorants. Qu’un homme réellement mort soit rappelé à la vie par une intervention divine, c’est là un véritable miracle, parce que c’est un fait contraire aux lois de la nature. Mais si cet homme n’a que les apparences de la mort, s’il y a encore en lui un reste de vitalité latente, et que la science, ou une action magnétique, parvienne à le ranimer, pour les gens éclairés c’est un phénomène naturel, mais aux yeux du vulgaire ignorant, le fait passera pour miraculeux. 2 Qu’au milieu de certaines campagnes un physicien lance un cerf-volant électrique et fasse tomber la foudre sur un arbre, ce nouveau Prométhée sera certainement regardé comme armé d’une puissance diabolique  3 mais Josué arrêtant le mouvement du soleil, ou plutôt de la terre, en admettant le fait, voilà le véritable miracle, car il n’existe aucun magnétiseur doué d’une assez grande puissance pour opérer un tel prodige.

4 Les siècles d’ignorance ont été féconds en miracles, parce que tout ce dont la cause était inconnue passait pour surnaturel. A mesure que la science a révélé de nouvelles lois, le cercle du merveilleux s’est restreint ; mais comme elle n’avait pas exploré tout le champ de la nature, il restait encore une assez large part au merveilleux.


3. — Le merveilleux, expulsé du domaine de la matérialité par la science, s’est retranché dans celui de la spiritualité, qui a été son dernier refuge. 2 Le Spiritisme, en démontrant que l’élément spirituel est une des forces vives de la nature,  ( † ) force incessamment agissante concurremment avec la force matérielle, fait rentrer les phénomènes qui en ressortent dans le cercle des effets naturels, parce que, comme les autres, ils sont soumis à des lois. 3 Si le merveilleux est expulsé de la spiritualité, il n’a plus de raison d’être, et c’est alors seulement qu’on pourra dire que le temps des miracles est passé. (nº 18.n


LE SPIRITISME NE FAIT PAS DE MIRACLES.


4. — Le Spiritisme vient donc, à son tour, faire ce que chaque science a fait à son avènement : révéler de nouvelles lois, et expliquer, par conséquent, les phénomènes qui sont du ressort de ces lois.

2 Ces phénomènes, il est vrai, se rattachent à l’existence des Esprits et à leur intervention dans le monde matériel ; or c’est là, dit-on, qu’est le surnaturel. Mais alors il faudrait prouver que les Esprits et leurs manifestations sont contraires aux lois de la nature ; que ce n’est pas et ne peut être là une de ces lois.

3 L’Esprit n’est autre que l’âme qui survit au corps ; c’est l’être principal puisqu’il ne meurt pas, tandis que le corps n’est qu’un accessoire qui se détruit. 4 Son existence est donc tout aussi naturelle après que pendant l’incarnation ; elle est soumise aux lois qui régissent le principe spirituel, comme le corps est soumis à celles qui régissent le principe matériel ; 5 mais comme ces deux principes ont une affinité nécessaire, qu’ils réagissent incessamment l’un sur l’autre, que de leur action simultanée résultent le mouvement et l’harmonie de l’ensemble, il s’ensuit que la spiritualité et la matérialité sont les deux parties d’un même tout, aussi naturelles l’une que l’autre, et que la première n’est pas une exception, une anomalie dans l’ordre des choses.


5. — Pendant son incarnation, l’Esprit agit sur la matière par l’intermédiaire de son corps fluidique ou périsprit ; il en est de même en dehors de l’incarnation. 2 Il fait, comme Esprit et dans la mesure de ses capacités, ce qu’il faisait comme homme ; seulement, comme il n’a plus son corps charnel pour instrument, il se sert, lorsque cela est nécessaire, des organes matériels d’un incarné qui devient ce qu’on appelle médium. 3 Il fait comme celui qui, ne pouvant écrire lui-même, emprunte la main d’un secrétaire ; ou qui, ne sachant pas une langue, se sert d’un interprète. Un secrétaire, un interprète sont les médiums d’un incarné, comme le médium est le secrétaire ou l’interprète d’un Esprit.


6. — Le milieu dans lequel agissent les Esprits, et les moyens d’exécution, n’étant plus les mêmes que dans l’état d’incarnation, les effets sont différents. Ces effets ne paraissent surnaturels que parce qu’ils sont produits à l’aide d’agents qui ne sont pas ceux dont nous nous servons ; mais dès l’instant que ces agents sont dans la nature, et que les faits de manifestations s’accomplissent en vertu de certaines lois, il n’y a rien de surnaturel ni de merveilleux. 2 Avant de connaître les propriétés de l’électricité, les phénomènes électriques passaient pour des prodiges aux yeux de certaines gens ; dès que la cause fut connue, le merveilleux disparut. 3 Il en est de même des phénomènes spirites, qui ne sortent pas plus de l’ordre des lois naturelles que les phénomènes électriques, acoustiques, lumineux et autres, qui ont été la source d’une foule de croyances superstitieuses.


7. — Pourtant, dira-t-on, vous admettez qu’un Esprit peut enlever une table et la maintenir dans l’espace sans point d’appui ; n’est-ce pas une dérogation à la loi de gravité ? — Oui, à la loi connue ; mais connaît-on toutes les lois ? 2 Avant qu’on eût expérimenté la force ascensionnelle de certains gaz, qui eût dit qu’une lourde machine portant plusieurs hommes peut triompher de la force d’attraction ? Aux yeux du vulgaire, cela ne devait-il pas paraître merveilleux, diabolique ? 3 Celui qui eût proposé, il y a un siècle, de transmettre une dépêche à cinq cents lieues, et d’en recevoir la réponse en quelques minutes, aurait passé pour un fou ; s’il l’eût fait, on aurait cru qu’il avait le diable à ses ordres, car alors le diable seul était capable d’aller aussi vite ; cependant aujourd’hui la chose est non seulement reconnue possible, mais elle paraît toute naturelle. 4 Pourquoi donc un fluide inconnu n’aurait-il pas la propriété, dans des circonstances données, de contrebalancer l’effet de la pesanteur, comme l’hydrogène contrebalance le poids du ballon ? C’est, en effet, ce qui a lieu dans le cas dont il s’agit. (Livre des Médiums, ch. IV.)


8. — Les phénomènes spirites, étant dans la nature, se sont produits dans tous les temps ; mais précisément parce que leur étude ne pouvait se faire par les moyens matériels dont dispose la science vulgaire, ils sont restés plus longtemps que d’autres dans le domaine du surnaturel, d’où le Spiritisme les fait sortir aujourd’hui.

2 Le surnaturel, basé sur des apparences inexpliquées, laisse un libre cours à l’imagination, qui, errant dans l’inconnu, enfante alors les croyances superstitieuses, Une explication rationnelle fondée sur les lois de la nature, ramenant l’homme sur le terrain de la réalité, pose un point d’arrêt aux écarts de l’imagination, et détruit les superstitions.

3 Loin d’étendre le domaine du surnaturel, le Spiritisme le restreint jusque dans ses dernières limites et lui ôte son dernier refuge. 4 S’il fait croire à la possibilité de certains faits, il empêche de croire à beaucoup d’autres, parce qu’il démontre, dans le cercle de la spiritualité, comme la science dans le cercle de la matérialité, ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. 5 Toutefois, comme il n’a pas la prétention d’avoir le dernier mot sur toutes choses, même sur celles qui sont de sa compétence, il ne se pose point en régulateur absolu du possible, et fait la part des connaissances que réserve l’avenir.


9. — Les phénomènes spirites consistent dans les différents modes de manifestation de l’âme ou Esprit, soit pendant l’incarnation, soit à l’état d’erraticité. 2 C’est par ses manifestations que l’âme révèle son existence, sa survivance et son individualité ; 3 on la juge par ses effets ; la cause étant naturelle, l’effet l’est également. 4 Ce sont ces effets qui font l’objet spécial des recherches et de l’étude du Spiritisme, afin d’arriver à la connaissance aussi complète que possible de la nature et des attributs de l’âme, ainsi que des lois qui régissent le principe spirituel.


10. — Pour ceux qui dénient l’existence du principe spirituel indépendant, et par suite celle de l’âme individuelle et survivante, toute la nature est dans la matière tangible ; 2 tous les phénomènes qui se rattachent à la spiritualité sont, à leurs yeux, surnaturels, et par conséquent chimériques ; 3 n’admettant pas la cause, ils ne peuvent admettre l’effet ; et lorsque les effets sont patents, ils les attribuent à l’imagination, à l’illusion, à l’hallucination, et refusent de les approfondir ; 4 de là, chez eux, une opinion préconçue qui les rend impropres à juger sainement du Spiritisme, parce qu’ils partent du principe de la négation de tout ce qui n’est pas matériel.


11. — De ce que le Spiritisme admet les effets qui sont la conséquence de l’existence de l’âme, il ne s’ensuit pas qu’il accepte tous les effets qualifiés de merveilleux, et qu’il entende les justifier et les accréditer ; 2 qu’il se fasse le champion de tous les rêveurs, de toutes les utopies, de toutes les excentricités systématiques, de toutes les légendes miraculeuses ; il faudrait bien peu le connaître pour penser ainsi. 3 Ses adversaires croient lui opposer un argument sans réplique, quand, après avoir fait d’érudites recherches sur les convulsionnaires de Saint-Médard,  ( † ) les camisards des Cévennes ( † ) ou les religieuses de Loudun,  †  ils sont arrivés à y découvrir des faits patents de supercherie que personne ne conteste ; mais ces histoires sont-elles l’évangile du Spiritisme ? 4 Ses partisans ont-ils nié que le charlatanisme ait exploité certains faits à son profit ; que l’imagination en ait créé ; que le fanatisme en ait exagéré beaucoup ? 5 Il n’est pas plus solidaire des extravagances qu’on peut commettre en son nom, que la vraie science ne l’est des abus de l’ignorance, ni la vraie religion des excès du fanatisme. 6 Beaucoup de critiques ne jugent le Spiritisme que sur les contes de fées et les légendes populaires qui en sont les fictions ; autant vaudrait juger l’histoire sur les romans historiques ou les tragédies.


12. — Les phénomènes spirites sont le plus souvent spontanés, et se produisent sans aucune idée préconçue chez les personnes qui y songent le moins ; 2 certaines circonstances, il en est qui peuvent être provoqués par les agents désignés sous le nom de médiums ; 3 dans le premier cas, le médium est inconscient de ce qui se produit par son intermédiaire ; dans le second, il agit en connaissance de cause : de là la distinction des médiums conscients et des médiums inconscients. 4 Ces derniers sont les plus nombreux et se trouvent souvent parmi les incrédules les plus obstinés, qui font ainsi du Spiritisme sans le savoir et sans le vouloir. 5 Les phénomènes spontanés ont, par cela même, une importance capitale, car on ne peut suspecter la bonne foi de ceux qui les obtiennent. 6 Il en est ici comme du somnambulisme, qui, chez certains individus, est naturel et involontaire, et chez d’autres, provoqué par l’action magnétique. n

7 Mais que ces phénomènes soient ou non le résultat d’un acte de la volonté, la cause première est exactement la même et ne s’écarte en rien des lois naturelles. 8 Les médiums ne produisent donc absolument rien de surnaturel ; par conséquent, ils ne font aucun miracle ; 9 les guérisons instantanées elles-mêmes ne sont pas plus miraculeuses que les autres effets, car elles sont dues à l’action d’un agent fluidique faisant l’office d’agent thérapeutique, dont les propriétés ne sont pas moins naturelles pour avoir été inconnues jusqu’à ce jour. 10 L’épithète de thaumaturges, donnée à certains médiums par la critique ignorante des principes du Spiritisme, est donc tout à fait impropre. 11 La qualification de miracles donnée, par comparaison, à ces sortes de phénomènes, ne peut qu’induire en erreur sur leur véritable caractère.


13. — L’intervention d’intelligences occultes dans les phénomènes spirites ne rend pas ceux-ci plus miraculeux que tous les autres phénomènes qui sont dus à des agents invisibles, parce que ces êtres occultes qui peuplent les espaces sont une des puissances de la nature, puissance dont l’action est incessante sur le monde matériel, aussi bien que sur le monde moral.

2 Le Spiritisme, en nous éclairant sur cette puissance, nous donne la clef d’une foule de choses inexpliquées, et inexplicables par tout autre moyen, et qui ont pu, dans des temps reculés, passer pour des prodiges ; 3 il révèle, de même que le magnétisme, une loi, sinon inconnue, du moins mal comprise ; ou, pour mieux dire, on connaissait les effets, car ils se sont produits de tout temps, mais on ne connaissait pas la loi, et c’est l’ignorance de cette loi qui a engendré la superstition. 4 Cette loi connue, le merveilleux disparaît et les phénomènes rentrent dans l’ordre des choses naturelles. 5 Voilà pourquoi les Spirites ne font pas plus de miracles en faisant tourner une table ou écrire les trépassés, que le médecin en faisant revivre un moribond, ou le physicien en faisant tomber la foudre. 6 Celui qui prétendrait, à l’aide de cette science, faire des miracles, serait ou un ignorant de la chose, ou un faiseur de dupes.


14. — Puisque le Spiritisme répudie toute prétention aux choses miraculeuses, en dehors de lui y a-t-il des miracles dans l’acception usuelle du mot ?

2 Disons d’abord que parmi les faits réputés miraculeux qui se sont passés avant l’avènement du Spiritisme, et qui se passent encore de nos jours, la plupart, sinon tous, trouvent leur explication dans les lois nouvelles qu’il est venu révéler ; ces faits rentrent donc, quoique sous un autre nom, dans l’ordre des phénomènes spirites, et comme tels n’ont rien de surnaturel. 3 Il est bien entendu qu’il ne s’agit ici que des faits authentiques, et non de ceux qui, sous le nom de miracles, sont le produit d’une indigne jonglerie en vue d’exploiter la crédulité ; non plus que de certains faits légendaires qui peuvent avoir eu, dans l’origine, un fond de vérité, mais que la superstition a amplifiés jusqu’à l’absurde. C’est sur ces faits que le Spiritisme vient jeter la lumière, en donnant les moyens de faire la part de l’erreur et de la vérité.


DIEU FAIT-IL DES MIRACLES ?


15. — Quant aux miracles proprement dits, rien n’étant impossible à Dieu, il peut en faire sans doute ; en a-t-il fait ? en d’autres termes : déroge-t-il aux lois qu’il a établies ? 2 Il n’appartient pas à l’homme de préjuger les actes de la Divinité et de les subordonner à la faiblesse de son entendement ; cependant nous avons pour critérium de notre jugement, à l’égard des choses divines, les attributs mêmes de Dieu. 3 A la souveraine puissance il joint la souveraine sagesse, d’où il faut conclure qu’il ne fait rien d’inutile.

4 Pourquoi donc ferait-il des miracles ? Pour attester sa puissance, dit-on ; mais la puissance de Dieu ne se manifeste-t-elle pas d’une manière bien autrement saisissante par l’ensemble grandiose des œuvres de la création, par la sagesse prévoyante qui préside à ses parties les plus infimes comme aux plus grandes, et par l’harmonie des lois qui régissent l’univers, que par quelques petites et puériles dérogations que savent imiter tous les faiseurs de tours ? 5 Que dirait-on d’un savant mécanicien qui, pour prouver son habileté, détraquerait l’horloge qu’il a construite, chef-d’œuvre de science, afin de montrer qu’il peut défaire ce qu’il a fait ? Son savoir ne ressort-il pas, au contraire, de la régularité et de la précision du mouvement ?

6 La question des miracles proprement dits n’est donc pas du ressort du Spiritisme ; 7 mais, s’appuyant sur ce raisonnement : que Dieu ne fait rien d’inutile, il émet cette opinion que : Les miracles n’étant pas nécessaires à la glorification de Dieu, rien, dans l’univers, ne s’écarte des lois générales. 8 Dieu ne fait pas de miracles, parce que ses lois étant parfaites, il n’a pas besoin d’y déroger. 9 S’il est des faits que nous ne comprenons pas, c’est qu’il nous manque encore les connaissances nécessaires.


16. — En admettant que Dieu ait pu, pour des raisons que nous ne pouvons apprécier, déroger accidentellement aux lois qu’il a établies, ces lois ne seraient plus immuables ; 2 mais au moins est-il rationnel de penser que lui seul a ce pouvoir ; on ne saurait admettre, sans lui dénier la toute-puissance, qu’il soit donné à l’Esprit du mal de défaire l’œuvre de Dieu, en faisant de son côté des prodiges à séduire même les élus, ce qui impliquerait l’idée d’une puissance égale à la sienne ; c’est pourtant ce que l’on enseigne. 3 Si Satan a le pouvoir d’interrompre le cours des lois naturelles, qui sont l’œuvre divine, sans la permission de Dieu, il est plus puissant que Dieu : donc Dieu n’a pas la toute-puissance ; 3 si Dieu lui délègue ce pouvoir, comme on le prétend, pour induire plus facilement les hommes au mal, Dieu n’a pas la souveraine bonté. 5 Dans l’un et l’autre cas, c’est la négation d’un des attributs sans lesquels Dieu ne serait pas Dieu.

6 Aussi l’Église distingue-t-elle les bons miracles qui viennent de Dieu, des mauvais miracles qui viennent de Satan : mais comment en faire la différence ? 7 Qu’un miracle soit satanique ou divin, ce n’en est pas moins une dérogation aux lois qui émanent de Dieu seul ; 8 si un individu est guéri soi-disant miraculeusement, que ce soit par le fait de Dieu ou de Satan, il n’en est pas moins guéri. 9 Il faut avoir une bien pauvre idée de l’intelligence humaine pour espérer que de pareilles doctrines puissent être acceptées de nos jours.

10 La possibilité de certains faits réputés miraculeux étant reconnue, il en faut conclure que, quelle que soit la source qu’on leur attribue, ce sont des effets naturels dont Esprits ou incarnés peuvent user, comme de tout, comme de leur propre intelligence et de leurs connaissances scientifiques, pour le bien ou pour le mal, selon leur bonté ou leur perversité. 11 Un être pervers, mettant à profit son savoir, peut donc faire des choses qui passent pour des prodiges aux yeux des ignorants ; mais quand ces effets ont pour résultat un bien quelconque, il serait illogique de leur attribuer une origine diabolique.


17. — Mais, dit-on, la religion s’appuie sur des faits qui ne sont ni expliqués ni explicables. 2 Inexpliqués, peut-être ; inexplicables, c’est une autre question. 3 Sait-on les découvertes et les connaissances que nous réserve l’avenir ? Sans parler du miracle de la Création, le plus grand de tous sans contredit, et qui est aujourd’hui rentré dans le domaine de la loi universelle, ne voit-on pas déjà, sous l’empire du magnétisme, du somnambulisme, du Spiritisme, se reproduire les extases, les visions, les apparitions, la vue à distance, les guérisons instantanées, les suspensions, les communications orales et autres avec les êtres du monde invisible, phénomènes connus de temps immémorial, considérés jadis comme merveilleux, et démontrés aujourd’hui appartenir à l’ordre des choses naturelles, d’après la loi constitutive des êtres ? 4 Les livres sacrés sont pleins de faits de ce genre qualifiés de surnaturels ; mais, comme on en trouve d’analogues et de plus merveilleux encore dans toutes les religions païennes de l’antiquité, si la vérité d’une religion dépendait du nombre et de la nature de ces faits, on ne sait trop celle qui l’emporterait.


LE SURNATUREL ET LES RELIGIONS.


18. — Prétendre que le surnaturel est le fondement nécessaire de toute religion, qu’il est la clef de voûte de l’édifice chrétien, c’est soutenir une thèse dangereuse ; 2 si l’on fait reposer les vérités du Christianisme sur la base unique du merveilleux, c’est lui donner un appui fragile dont les pierres se détachent chaque jour. 3 Cette thèse, dont d’éminents théologiens se sont faits les défenseurs, conduit droit à cette conclusion que, dans un temps donné, il n’y aura plus de religion possible, pas même la religion chrétienne, si ce qui est regardé comme surnaturel est démontré naturel ; car on aura beau entasser les arguments, on ne parviendra pas à maintenir la croyance qu’un fait est miraculeux, quand il est prouvé qu’il ne l’est pas ; 4 or, la preuve qu’un fait n’est pas une exception dans les lois naturelles, c’est lorsqu’il peut être expliqué par ces mêmes lois, et que, pouvant se reproduire par l’entremise d’un individu quelconque, il cesse d’être le privilège des saints. 5 Ce n’est pas le surnaturel qui est nécessaire aux religions, mais bien le principe spirituel, que l’on confond à tort avec le merveilleux, et sans lequel il n’y a pas de religion possible.

6 Le Spiritisme considère la religion chrétienne d’un point plus élevé ; il lui donne une base plus solide que les miracles, ce sont les lois immuables de Dieu, qui régissent le principe spirituel comme le principe matériel ; cette base défie le temps et la science, car le temps et la science viendront la sanctionner.

7 Dieu n’en est pas moins digne de notre admiration, de notre reconnaissance, de notre respect, pour n’avoir pas dérogé à ses lois, grandes surtout par leur immuabilité. 8 Il n’est pas besoin du surnaturel pour rendre à Dieu le culte qui lui est dû ; la nature n’est-elle pas assez imposante par elle-même, qu’il faille encore y ajouter pour prouver la puissance suprême ? 9 La religion trouvera d’autant moins d’incrédules, qu’elle sera de tout point sanctionnée par la raison. 10 Le Christianisme n’a rien à perdre à cette sanction ; il ne peut, au contraire, qu’y gagner. 11 Si quelque chose a pu lui nuire dans l’opinion de certaines gens, c’est précisément l’abus du merveilleux et du surnaturel.


19. — Si l’on prend le mot miracle dans son acception étymologique, dans le sens de chose admirable, nous avons sans cesse des miracles sous les yeux ; nous les aspirons dans l’air et nous les foulons sous nos pas, car tout est miracle dans la nature.

2 Veut-on donner au peuple, aux ignorants, aux pauvres d’esprit une idée de la puissance de Dieu ? Il fait la leur montrer dans la sagesse infinie qui préside à tout, dans l’admirable organisme de tout ce qui vit, dans la fructification des plantes, dans l’appropriation de toutes les parties de chaque être à ses besoins, selon le milieu où il est appelé à vivre ; 3 il faut leur montrer l’action de Dieu dans le brin d’herbe, dans la fleur qui s’épanouit, dans le soleil qui vivifie tout ; 4 il faut leur montrer sa bonté dans sa sollicitude pour toutes les créatures, si infimes qu’elles soient, sa prévoyance dans la raison d’être de chaque chose, dont aucune n’est inutile, dans le bien qui sort toujours d’un mal apparent et momentané. 5 Faites-leur comprendre surtout que le mal réel est l’ouvrage de l’homme, et non celui de Dieu ; 6 ne cherchez pas à les épouvanter par le tableau des flammes éternelles, auxquelles ils finissent par ne plus croire et qui leur font douter de la bonté, de Dieu ; mais encouragez-les par la certitude de pouvoir se racheter un jour et réparer le mal qu’ils ont pu faire ; 7 montrez-leur les découvertes de la science comme la révélation des lois divines, et non comme l’œuvre de Satan ; 8 apprenez-leur, enfin, à lire dans le livre de la nature sans cesse ouvert devant eux ; dans ce livre inépuisable où la sagesse et la bonté du Créateur sont inscrites à chaque page ; 9 alors ils comprendront qu’un Être si grand, s’occupant de tout, veillant à tout, prévoyant tout, doit être souverainement puissant. 10 Le laboureur le verra en traçant son sillon, et l’infortuné le bénira dans ses afflictions, car il se dira : Si je suis malheureux, c’est par ma faute. 11 Alors les hommes seront vraiment religieux, rationnellement religieux surtout, bien mieux que s’ils croient à des pierres qui suent le sang, ou à des statues qui clignent des yeux et versent des larmes.



[1] [Dans l’original : (Chap. I, nº 18.)]


[2] Livre des Médiums, chap. V.Revue spirite ; exemples : décembre 1865, page 370 ; — août 1865, page 231.


Il y a deux images de ce chapitre dans le service Google - Recherche de livres (Première édition - 1868) et (Cinquième édition - 1872.)


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